Lorsque cela est possible, c’est seulement la démolition de la partie d’un ouvrage empiétant sur le fonds d’autrui qui doit être ordonnée.
Note de M. Jean-Louis BERGEL :
Un propriétaire est en droit d’exiger, sur le fondement de l’article 545 du Code civil, la démolition d’ouvrages édifiés par son voisin et empiétant sur son fonds, sans même avoir à justifier d’un préjudice.
Pour préserver efficacement la propriété et « la plénitude des droits réels« , le juge a l’obligation de sanctionner en nature toute atteinte à la propriété.
Les tribunaux ne peuvent donc refuser d’ordonner la démolition des constructions empiétant sur la propriété d’autrui et se contenter d’allouer de simples dommages-intérêts.
Il en est ainsi, même en cas d’empiétement minime, comme l’a admis la Cour de cassation pour un empiétement de cinq millimètres, par exemple.
Si sévère cette sanction puisse-t-elle paraître, c’est la seule à être véritablement dissuasive.
Mais si tout empiétement implique la démolition de la construction considérée, la défense du droit de propriété méconnu ne suppose pas nécessairement d’ordonner la démolition de toute la construction incriminée, mais seulement celle de la partie de celle-ci qui empiète sur le fonds du demandeur.
Il a été jugé que les tribunaux peuvent souverainement estimer que l’empiétement peut être supprimé en rétablissant la construction dans ses limites, sans qu’il y ait lieu de la démolir entièrement.
C’est cette solution de bon sens que vient de réaffirmer la Cour de cassation.
En l’espèce, des propriétaires avaient sollicité la démolition d’un bâtiment édifié par une société civile immobilière (SCI) sur le fonds voisin en limite séparative mais dont l’emprise débordait au-delà de cette limite.
Les juges du fond avaient estimé qu’il était techniquement possible de ne procéder qu’à une démolition partielle de ce bâtiment pour supprimer l’empiétement invoqué par les demandeurs.
Ils n’avaient donc ordonné qu’une démolition partielle de cet ouvrage.
Le pourvoi soutenait que la Cour d’appel ne pouvait légalement s’en tenir à cette solution qu’après s’être assurée de sa faisabilité technique.
La troisième chambre civile, pour rejeter ce pourvoi, a considéré qu’il n’appartient qu’au constructeur d’apprécier s’il peut conserver la partie du bâtiment non concernée par l’empiétement et que, si tel est le cas, le juge peut n’imposer qu’une démolition partielle, sans inverser pour autant la charge de la preuve.
Les principes qui régissent la charge de la preuve semblent effectivement respectés, en l’espèce.
Il n’appartient pas au juge lui-même de s’assurer de la faisabilité technique de la solution retenue.