Vente à soi-même constitutive d’une fraude paulienne.
Note de M. Henri HOVASSE :
Des époux en difficulté financière vendent un immeuble constituant leur patrimoine immobilier à une société civile dont ils sont les seuls associés.
La société civile paie le prix pour une partie par ses deniers personnels et pour une autre partie par un emprunt hypothécaire in fine.
Le prix de cession s’est évaporé tandis que dans le patrimoine des époux figurent à présent des parts sociales dépréciées.
Cette stratégie, communément connue sous le nom de « vente à soi-même« , peut procéder de motifs parfaitement honorables. Elle permet de mobiliser un immeuble sans en perdre la maîtrise, afin de financer d’autres investissements ou, tout simplement pour se procurer de la trésorerie.
La « vente à soi-même » peut aussi s’avérer une opération de fraude aux droits des créanciers, comme en l’espèce.
Les débiteurs étaient propriétaires d’un immeuble d’une valeur de 3.000.000 Euros. Ils l’ont cédé à leur société civile avant que leur créancier obtienne un arrêt les condamnant à lui payer une somme de 450.000 Euros.
Ce faisant, ils ont vidé la société des liquidités qu’elle détenait et créé dans celle-ci un endettement emportant une dépréciation des parts.
Appauvrissement et conscience de causer un préjudice au créancier étaient établis. Les débiteurs objectaient que leur insolvabilité n’était pas démontrée : n’avaient-ils pas perçu un prix !
Mais, précisément, ils avaient créé leur insolvabilité en substituant à un immeuble des parts sociales dépréciées et un prix dont ils ne pouvaient justifier un emploi dans d’autres biens aisément saisissables par le créancier.
De tels actes modifiant la consistance du patrimoine du débiteur établissent à la fois son appauvrissement et son insolvabilité.
S’agissant d’un acte à titre onéreux, une vente en l’espèce, encore faut-il que soit démontrée la complicité de l’acquéreur dans la fraude. Cette condition est évidemment satisfaite dans la « vente à soi-même« , puisque ce sont les mêmes personnes qui participent au contrat, mais en des qualités juridiques différentes. Tous les ingrédients de la fraude paulienne étaient réunis.