CASS. CIV. 3ème 8 Février 2006

Des lieux construits en vue d’une seule utilisation, celle de grand magasin, dont le changement d’affectation nécessiterait des travaux d’un coût avoisinant la valeur de l’immeuble, sont des locaux monovalents justifiant un déplafonnement lors du renouvellement du bail.

Note de Mme Marie-Pierre DUMONT :

En l’espèce, la société des Grands Magasins exerçait son activité dans un immeuble dont elle était pour partie propriétaire et pour partie locataire.

Or, lors du renouvellement du contrat de bail, invoquant la monovalence des locaux, le bailleur sollicita le déplafonnement du loyer, sur le fondement de l’article 23-8 du décret du 30 septembre 1953.

En effet, aux termes de ce texte, « le prix du bail des locaux construits en vue d’une seule utilisation peut … être déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité considérée« , ces baux échappant alors au plafonnement prévu par l’article 23-6 (Cass. 3e civ. 3 mai 1978).

La société des Grands Magasins niait cette monovalence et opposait deux arguments.

• En premier lieu, faisant implicitement référence à la jurisprudence qui juge le caractère monovalent des locaux doit être apprécié au regard de l’objet du bail (Cass. 3e civ. 29 mai 1985), elle relevait que la clause de destination du bail visait la « vente au détail de toutes espèces de marchandises« .

Mais c’était oublier que même une clause « tous commerces » ne s’oppose pas à la qualification de locaux monovalents (Cass. 3e civ. 27 novembre 2002).

• En second lieu, elle se plaçait sur le terrain de l’unicité d’exploitation, laquelle dépend de l’importance et de l’onérosité des éventuels travaux (Cass. 3e civ. 3 mai 1978 ; Cass. 3e civ. 29 septembre 2004).

Sont en effet considérés comme monovalents les locaux qu’il faudrait profondément modifier à grands frais pour changer d’activité.

Or, en l’occurrence, la société locataire avait justement envisagé de faire des travaux importants de « mise en indépendance des deux parties du bâtiment« .

Selon la Cour de cassation, la monovalence des locaux résulte d’une part, du fait qu’en 1949 les locaux avaient été reconstruits en vue d’une seule utilisation (celle de grand magasin), cette affectation ayant toujours été respectée depuis et, d’autre part, que les lieux loués constituent « un élément structurellement dépendant d’un tout indissociable permettant une unité d’exploitation« .

Dès lors, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir constaté qu’un changement d’affectation de ces lieux reconstruits en vue d’une seule utilisation « nécessiterait des travaux de séparation d’un coût important avoisinant la valeur de l’immeuble« .

En conséquence, le déplafonnement est justifié.

Source : AJDI, 7-8/06, page 565