CASS. CIV. 3ème 7 Juillet 2015

Irrecevabilité de l’action en démolition sans annulation préalable du permis de construire.

Note de M. Patrice CORNILLE :

Les propriétaires d’une maison édifiée sur une parcelle voisine de celle des défendeurs les avaient assigné en démolition, sur le fondement de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, d’un abri de jardin et d’un mur séparatif édifiés conformément à un permis de construire et à un permis modificatif obtenus les 22 février et 27 novembre 2007.

Mais ils n’avaient pas agi auparavant en annulation des permis de construire de leurs voisins.

Fort logiquement, la Cour de cassation en déduit que, dès lors que les demandeurs n’ont pas agi en nullité du permis de construire et du permis modificatif devant le Tribunal Administratif, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en déduit exactement que la demande en démolition formée sur le fondement de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme est irrecevable.

La formulation du texte confirme que l’absence de requête en annulation du permis est une cause d’irrecevabilité de la demande.

« Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :
1°) Le propriétaire ne peut être condamné par un Tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative (…) ».

On peut à la rigueur concevoir l’introduction de l’action en démolition devant le juge judiciaire de manière concomitante à la requête en annulation du permis, mais outre que l’on risque de se voir opposer un sursis à statuer, le juge judiciaire ne peut de toute façon condamner à démolir sur le fondement concerné qu’après que le juge administratif a annulé le permis, et ce de manière définitive.

Par ailleurs, et même si cela n’a pas été jugé à notre connaissance, il paraît logique de penser que la question préjudicielle est impossible : le défaut d’allusion du texte à l’exception d’illégalité, dans l’hypothèse de la demande de démolition, ne permet pas au juge judiciaire de renvoyer au juge administratif, par une décision avant dire droit et en cours d’instance, l’appréciation de la légalité du permis.

Si l’on ajoute à ce qui précède la restriction par la loi Macron du 6 août 2015 des zones où une démolition judiciaire pour violation de la règle d’urbanisme est concevable, on conviendra que le sceptre de cette sanction n’est plus de nature à horrifier.

L’article L. 480-13 ne concerne que les cas où un permis a été obtenu, et par conséquent demandé.

Si aucune autorisation n’a précédé la réalisation des travaux en délicatesse avec la norme d’urbanisme, et sauf autorisation de régularisation; il est bien évident que, toutes autres conditions supposées remplies, l’action en démolition demeure recevable.

Source : Constr.- urb., 10/15, 138