CASS. CIV. 3ème 6 Avril 2005

Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue et, jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du contrat de bail expiré (C. com. art. L 145-28).

La Cour de cassation vient de juger que, sauf clause contraire, toute cession de fonds de commerce emporte cession de la créance d’indemnité d’éviction due au cédant et du droit au maintien dans les lieux que celui-ci tient des dispositions susvisées.

Note :

Revirement de jurisprudence.

Dans un précédent arrêt, la Cour de cassation avait jugé que seul le locataire créancier de l’indemnité d’éviction pouvait bénéficier du droit au maintien dans les lieux (Cass. 3e civ. 28-5-1997), ce dont il résultait que ce droit n’était pas cessible.

Plusieurs arguments militent en faveur de la nouvelle solution.

L’indemnité d’éviction, réparation financière du préjudice subi par le commerçant contraint de déménager pour poursuivre son activité, est un droit patrimonial.

Comme toute autre créance, cette indemnité peut donc être cédée ainsi que le droit au maintien dans les lieux qui est son corollaire.

De plus, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail à l’acquéreur de son fonds de commerce ainsi que les droits qu’il tient du statut sont nulles qu’elle qu’en soit la forme (C. com. art. L 145-16) ; or le droit à indemnité d’éviction et le droit au maintien dans les lieux sont des droits que le locataire tient du statut.

Enfin, interdire au locataire de céder l’indemnité d’éviction et le droit au maintien dans les lieux reviendrait à lui interdire de céder son fonds de commerce pendant toute la période où il attend d’être indemnisé, cette période pouvant être longue.

Alors que la question posée en l’espèce se limitait à savoir si le locataire peut céder sa créance d’indemnité d’éviction et son droit au maintien dans les lieux en cas de cession de son fonds de commerce, la Cour de cassation surprend en répondant que la cession de ces droits est automatique.

Elle ne va cependant pas jusqu’à considérer la cession obligatoire, puisqu’elle précise que le locataire peut conserver le bénéfice de ses droits au moyen d’une clause du contrat de cession.

Pour automatique qu’elle soit, la cession des droits du locataire doit être signifiée au bailleur pour lui être opposable (C. civ. art. 1690).

Source : BRDA, 9/05, page 11