Le sort de l’occupant des locaux en cas d’exécution d’office de la mesure de démolition.
Note de M. Gabriel ROUJOU de BOUBÉE :
À l’origine de cette affaire, un permis de construire qui excluait l’usage des bâtiments à titre d’habitation.
Cette interdiction n’ayant pas été respectée, le bénéficiaire fut condamné par le Tribunal correctionnel et injonction lui fut faite de remettre les lieux dans leur état antérieur, c’est-à-dire de leur rendre leur vocation agricole, obligation qui, elle non plus, n’a jamais été respectée. Par la suite, intervint une vente des locaux litigieux, toujours affectés à l’habitation. Et c’est à ce moment-là que les choses se sont compliquées.
Le maire a mis l’acquéreur en demeure de démolir, puis, ayant essuyé un refus, l’a assigné aux fins d’expulsion afin de procéder ensuite à la démolition d’office, ceci en application de l’article L. 480-9, alinéa 2, du Code de l’urbanisme ; ce texte prévoit en effet qu’au cas où les travaux porteraient atteinte à des droits acquis par des tiers, le maire ne peut y faire procéder qu’une fois ordonnée l’expulsion de tous occupants.
Dans un arrêt du 29 février 2012, la troisième chambre civile avait décidé, dans cette espèce, que l’acquéreur, ayant-cause à titre particulier du bénéficiaire des travaux, n’était pas un tiers au sens de l’article L. 480-9 et que, par ailleurs, la mesure ordonnée avait un caractère réel. La Cour de renvoi ayant donné satisfaction au maire, la troisième chambre civile, de nouveau saisie, a statué dans les termes rapportés ci-dessous :
« Mais attendu qu’ayant exactement retenu que Mme D., ayant-cause à titre particulier du bénéficiaire des travaux, n’était pas un tiers au sens du second alinéa de l’article L. 480-9 du Code de l’urbanisme et que les peines complémentaires étaient des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite et relevé que Mme D. occupait irrégulièrement le bien dont elle était propriétaire dès lors que le permis de construire mentionnait que la construction ne devait pas servir à l’habitation et que la réaffectation des lieux à leur destination d’origine prononcée par la juridiction pénale n’était jamais intervenue, la Cour d’appel qui n’a pas jugé que leur mise en conformité avec la destination agricole d’origine n’était pas possible et qui ne s’est pas contredite, a pu déduire de ces seuls motifs que la demande de la commune devait être accueillie ».
L’obligation de démolir ou de remettre les lieux dans leur état antérieur est bien une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite.
Elle pèse sur le bénéficiaire du permis et sur lui seul ; et il est de jurisprudence constante que la transmission du bien considéré ne libère pas le bénéficiaire initial ; en même temps, la condamnation, en raison de son caractère réel, est opposable aux acquéreurs, sans avoir à être réitérée leur égard.
Quant à l’article L. 480-9, alinéa 2, destiné à protéger « les droits acquis par des tiers », il ne fait entre ces tiers aucune distinction et vise toutes les personnes susceptibles de détenir un droit concédé par le bénéficiaire, même si l’utilisation du terme « tiers » n’est pas très heureuse.