CASS. CIV. 3ème 5 Mai 2004

L’action d’un tiers en annulation de la vente est recevable, au visa des articles L. 112-8 du Code de la voirie routière et 31 du Nouveau Code de procédure civile, dès lors qu’il n’a pas été mis en demeure par la commune d’acquérir la parcelle concernée, et qu’il n’a pas pu en sa qualité de propriétaire évincé, exercer son droit de priorité.

Note de M. Nicolas ROUSSEAU :

La troisième Chambre civile statue sur une disposition du Code de la voirie routière, rarement invoquée devant les tribunaux judiciaires.

L’article L. 112-8 du code précité dispose que, lorsque les voies du domaine public routier font l’objet d’un déclassement en raison d’un changement de tracé ou de la création d’une voie nouvelle, les propriétaires riverains ont un droit de priorité pour l’acquisition des parcelles de ces voies situées au droit de leur propriété.

Lorsque l’autorité compétente décide de céder ces terrains, elle doit en proposer l’acquisition aux riverains directement concernés, et à défaut d’une réponse de celui-ci dans un délai d’un mois, elle peut procéder à leur alinéation dans les conditions de droit commun.

Malheureusement, cet article ne prévoit aucune sanction au non-respect de la mise en œuvre de ce « droit de priorité« , comme le qualifie la Cour de cassation elle-même.

En l’espèce, la commune d’Albertville vend à des particuliers deux parcelles situées en bord de voirie, dont une seule se trouve au droit de la propriété des acquéreurs.

La seconde parcelle aurait donc du, avant l’acquisition, faire l’objet de la purge du droit de priorité à l’égard des voisins dont elle se trouve au droit de la propriété. Ces derniers y ont d’ailleurs édifié un mur qui fait l’objet d’une action en démolition.

Pour répliquer à cette « provocation », les voisins lésés saisissent le Tribunal de Grande Instance en assignant la commune en nullité de la vente du délaissé.

La Cour d’appel déclare l’action des voisins en nullité irrecevable, en considérant dans un premier temps qu’ils sont un tiers à la convention de vente et, dans un second temps, qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à la commune de faire procéder avant la vente à des mesures de publicité pour une mise en concurrence des acquéreurs.

Les Conseillers du Quai de l’Horloge considèrent quant à eux que l’action en nullité est parfaitement recevable :

« Qu’en statuant ainsi, alors que, à défaut d’avoir été mis en demeure par la commune d’acquérir la parcelle n° H 1631, Mr Bertinaria n’avait pu exercer, en sa qualité de propriétaire riverain, son droit de priorité, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Source : Construction-Urbanisme, Juin 2004 page 17