Le propriétaire peut consentir un droit réel conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien.
Par acte notarié, dans les années 30, une fondation vend à une société un hôtel particulier ; l’acte mentionne, de manière originale, que la jouissance d’une partie de l’immeuble est exclue de la vente, mais que l’acquéreur pourra lui demander de l’occuper à charge pour lui d’édifier dans la propriété une construction de même importance que la fondation pourra occuper gratuitement et ce, pour la durée de celle-ci.
La Cour d’appel accueille ces demandes : le droit concédé à la fondation serait un droit d’usage et d’habitation, qui s’établit et se perd de la même manière que l’usufruit, et qui ne peut excéder une durée de trente ans lorsqu’il est accordé à une personne morale.
Mais, au visa des articles 544 et 1134 du Code civil, la Cour de cassation affirme qu’il « résulte de ces textes que le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d’ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien« .
Note de Mme Cécile LE GALLOU :
Par cette décision, la Cour de cassation articule le droit du contrat (C. civ., art. 1134) et le droit de propriété (C. civ., art. 544) : elle affirme que, par contrat, tout propriétaire peut transmettre un droit réel de jouissance sui generis.
Ainsi, un droit conventionnel de jouissance ne se réduit pas à la qualification de droit d’usage et d’habitation, dont le régime est emprunté à l’usufruit (C. civ., art. 625), mais conserve une qualification innomée.
Les parties n’ont pour seule limite à leur pouvoir de créer un droit réel que les dispositions d’ordre public.
Par conséquent, en l’espèce, ce droit particulier ne prenait donc pas fin au bout de trente ans, mais selon les dispositions du contrat.
Toutefois, toute requalification ne serait pas exclue si elle correspond aux caractères du droit conventionnel (pour un bail, Cass. 3e civ., 18 mai 1994).