CASS. CIV. 3ème 31 Mars 2016

Un bail peut constituer un acte d’appauvrissement de nature à priver d’efficacité l’inscription hypothécaire conventionnelle d’un créancier sur l’immeuble.

Une banque, titulaire d’une inscription d’hypothèque conventionnelle sur un immeuble appartenant à une société civile immobilière (SCI), délivre à celle-ci un commandement aux fins de saisie immobilière le 19 janvier 2005, publié à la conservation des hypothèques le 22 février 2005, puis prorogé le 5 février 2008.

À la suite d’une adjudication qui n’a pas été suivie du versement du prix, la banque engage une procédure de folle enchère.

Le 14 septembre 2010, un bail commercial conclu le 30 août 2006 sur l’immeuble par la SCI est annexé au cahier des charges.

Par jugement du 21 janvier 2011, le juge de l’exécution constate finalement la caducité du commandement.

La banque assigne la SCI et le locataire en annulation du bail.

Selon elle, c’est à la date de formation du contrat que le juge doit se placer pour apprécier sa validité : doit donc être annulé le bail consenti sur un immeuble ayant déjà fait l’objet d’un commandement de saisie immobilière, quand bien même celui-ci deviendrait par la suite caduc.

Mais la troisième chambre civile rejette cet argument : elle retient que « la caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procédure de saisie qu’il engage« .

Mais, alors que la Cour d’appel avait écarté la fraude paulienne, relevant qu’il n’est pas certain que l’adjudication de l’immeuble n’a pas eu lieu du seul fait de la conclusion du bail ni que le bail aurait été consenti en fraude manifeste des droits de la banque, imputable à la SCI ou au locataire, la Cour de cassation censure cette position au visa de l’article 1167 du Code civil.

Elle juge que la Cour d’appel aurait dû rechercher « si les termes et conditions du bail ne constituaient pas, de la part du débiteur, un acte d’appauvrissement de nature à priver d’efficacité l’inscription hypothécaire conventionnelle de la banque sur l’immeuble« .

Note de Mme Pauline PAILLER :

La Cour de cassation, comme elle l’avait déjà fait auparavant dans le cas de la conclusion d’un bail à ferme (ou de la reconnaissance d’un droit viager d’usage et d’habitation), a recours à la fraude paulienne pour assurer l’efficacité d’une hypothèque conventionnelle.

Source : Dt. & Patrimoine Hebdo, n° 1053, page 2