L’action en garantie formée par un maître de l’ouvrage contre les constructeurs, à la suite du recours d’un voisin qui exige des travaux de reprise nécessaires afin de rendre l’ouvrage lui appartenant normalement utilisable pour la destination prévue, engage la responsabilité décennale du constructeur.
Note de Mme Marie-Laure PAGES-de VARENNE :
Quel est le fondement du recours d’un maître de l’ouvrage qui, lui-même recherché sur le fondement du trouble anormal de voisinage, est tenu de réaliser sur son propre ouvrage des travaux destinés à mettre fin aux nuisances chez son voisin ?
Est-il de nature décennale, comme l’avait retenu la Cour d’appel, dont l’arrêt était critiqué par l’assureur auprès duquel avait été souscrite une Police Unique Chantier, ou est-il d’une autre nature comme le soutenait cet assureur ?
Des nuisances olfactives et acoustiques ayant été signalées par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble voisin, après réception de l’ouvrage, l’Association Professionnelle des Hôteliers Restaurateurs Limonadiers (APHRL), assignée par ce syndicat qui sollicitait sa condamnation à réaliser sur son propre immeuble des travaux nécessaires pour mettre fin aux nuisances, demandait, dans le cadre de ses recours, la garantie des constructeurs de leur assureur, la MAF.
Se posait la question de la nature du recours dirigé par l’APHRL contre la MAF, cette dernière ayant soutenu à l’appui de son pourvoi que le recours dirigé contre les constructeurs par un maître de l’ouvrage condamné à réparer les dommages causés à un tiers par des vices de construction de l’immeuble, ne relevait pas de la garantie décennale.
Ce pourvoi est rejeté au motif qu’ « ayant relevé que le dommage dont il était demandé réparation par l’APHRL n’était pas celui éprouvé par des tiers victimes de troubles anormaux de voisinage, mais exigeait des travaux de reprise nécessaires afin de rendre l’ouvrage appartenant à cette dernière normalement utilisable pour la destination prévue, mais que le dommage trouvait son origine dans des défauts de conception et d’exécution de certains travaux, la Cour d’appel a pu en déduire qu’il engageait la responsabilité décennale des constructions et que la MAF devait sa garantie« .
Le recours est à distinguer en fonction de la nature même du dommage : doit être distingué le dommage subi par le voisin de celui subi par le propriétaire de l’ouvrage lui-même.
Si le dommage affecte l’ouvrage voisin, l’action du maître de l’ouvrage contre les constructeurs est fondée soit sur la responsabilité contractuelle de droit commun (qui nécessite la preuve d’une faute des constructeurs) soit, si le maître de l’ouvrage a indemnisé le voisin, sur le trouble anormal du voisinage, depuis l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 21 juillet 1999.
Si le dommage subi par le voisin nécessite la reprise de l’ouvrage du maître de l’ouvrage, on peut alors considérer que le maître de l’ouvrage subit lui-même un dommage. L’action du maître de l’ouvrage pour obtenir la réparation des dommages à son ouvrage est, dans ces conditions, fondée sur l’article 1792 du Code civil.