CASS. CIV. 3ème 31 Mars 2004

Le créancier d’une société civile dissoute et liquidée est recevable à agir en paiement d’une dette de la société directement contre l’un des associés.

Note de M. Daniel SIZAIRE :

L’espèce concerne une Société Civile Immobilière ordinaire ayant pour objet l’acquisition d’un terrain et la réalisation d’un lotissement, dissoute par décision des associés et liquidée par acte de partage.

Il était fait grief à la Cour d’appel d’avoir déclaré recevable l’action en paiement du solde d’un marché de travaux exercée à l’encontre d’un ancien associé, alors que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la société (C. civ. art. 1858) dont la personnalité morale subsiste, malgré sa dissolution, aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés (application jurisprudentielle de l’article 1844-8 du Code civil).

Le moyen est écarté et le pourvoi rejeté par la troisième chambre civile de la Cour de cassation au motif :

« Attendu qu’ayant relevé que la SCI avait été dissoute par décision des associés du 26 juin 1991 et liquidée par acte de partage du même jour, par lequel il avait été attribué à chacun des associés la moitié indivise en pleine propriété du terrain constituant le seul actif de la SCI, la Cour d’appel a exactement relevé que la société Solive était recevable à agir en paiement d’une dette de la société directement contre l’un des associés ».

C’est ainsi admettre que les créanciers d’une société civile dissoute et liquidée peuvent agir directement à l’encontre d’un associé en paiement des sommes dues par la société (en proportion de leurs parts) sans avoir préalablement poursuivi la personne morale, au lieu d’avoir à procéder à un recours contre la société, considérée comme subsistant tant que ses obligations à caractère social ne sont pas liquidées, représentée par un administrateur ad hoc, afin de satisfaire aux dispositions de l’article 1858 du Code civil.

L’arrêt va dans le sens d’une ouverture des recours à l’encontre des associés.

Cependant, il faut en apprécier les limites. L’arrêt s’applique à une société ayant fait l’objet d’une liquidation par acte de partage. Ainsi l’ouverture du recours direct à l’encontre des associés concerne une société dissoute et liquidée. Il convient pourtant de relever que la Cour d’appel souligne que par le partage « il avait été attribué à chacun des associés la moitié indivise en pleine propriété du terrain constituant le seul actif de la SCI« , ce qui revient à constater implicitement l’insolvabilité de la société.

L’arrêt apparaît transposable au cas particulier de la société civile de construction-vente, c’est-à-dire une ouverture pour un recours direct contre les associés d’une société dissoute et liquidée.

L’éventualité d’un recours des créanciers – en premier lieu des acquéreurs – à l’égard des anciens associés se pose alors d’une façon tout à fait particulière en raison, notamment, de la durée décennale de responsabilité au titre des désordres de construction. Cette particularité a conduit à se poser la question de savoir, si la société de construction-vente ne doit pas être maintenue durant cette période ou de quelle façon résoudre les problèmes résultant d’une dissolution anticipée.

Source : Construction-Urbanisme, Octobre 2004, page 14