Le fait de contester un refus de garantie en matière de police dommages-ouvrage, au delà du délai décennal, n’est pas constitutif d’une faute de la part de l’assuré, même si de facto, l’assureur se trouve privé de recours.
Note de M. Pascal DESSUET :
La Cour de cassation l’a affirmé à plusieurs reprises : la connaissance du sinistre par l’assuré dommages-ouvrage, très souvent matérialisée par une déclaration, mais pas nécessairement, lui ouvre conformément à l’article L. 114-1 du Code des Assurances, un délai de deux ans, au-delà duquel, toute action à ce titre à l’encontre de l’assureur, sera prescrite.
Dans la mesure où aucune autre prescription, que celle visée par l’article L. 114-1, n’est applicable au contrat d’assurance et notamment pas la prescription décennale visée par l’article 2270 du Code civil, cela a encore été rappelé très récemment, si la connaissance du sinistre peut être établie à une date proche de la fin de la période décennale, l’assuré au terme d’une police dommages-ouvrage peut ainsi se trouver fondé à agir judiciairement contre un assureur près de deux années après l’expiration du délai de 10 ans suivant la réception.
Pour autant, il ne faudrait pas déduire un peu rapidement que, de ce fait, l’assureur peut s’affranchir des dispositions du Code des assurances sur la déclaration tardive lorsque le retard cause un préjudice à l’assureur, ni même des règles de l’article L. 121-12 sur une éventuelle déchéance de garantie pour avoir empêché de manière fautive, le jeu normal des recours, par l’assureur.
Dans cet arrêt du 31 mars 2004, nous nous trouvons précisément dans ce dernier cas : l’assureur dommages-ouvrage reproche à l’assuré de l’avoir assigné après l’expiration du délai de 10 ans après la réception, le privant ainsi de tout recours, alors même qu’il aurait pu agir autrement et faire délivrer son assignation, dans le mois suivant le courrier de refus de garantie, époque où l’assureur aurait pu alors disposer de la qualité pour appeler en garantie les responsables.
Très clairement, les Hauts magistrats de la troisième Chambre vont casser la décision des juges d’appel, estimant qu’il n’y avait pas la matière à caractériser une attitude fautive de la part de l’assuré.
L’assuré objet d’un refus de garantie transmis à quelques jours, voire un mois de la date d’expiration du délai décennal, ne commet aucune faute en attendant l’expiration de celui-ci pour contester judiciairement la position de l’assureur :
Une semblable décision devrait inciter les assureurs DO à une très grande prudence lorsqu’ils sont amenés à prendre une décision négative quant à la prise en charge d’un sinistre sur la base d’une déclaration, intervenant quelques mois avant la fin de la période décennale, puisqu’ils risquent de se trouver attrait en justice, au-delà de la période décennale, sans plus aucune possibilité de recours et sans pouvoir invoquer l’article L. 121-12…