L’indemnité du preneur n’exclut pas celle du bailleur.
Note de M. Daniel SIZAIRE :
Cet arrêt rendu le 31 mars 2004 par la Cour de cassation retiendra l’attention.
On se trouvait en présence d’un bail à construction classique, les constructions édifiées par le preneur en exécution du contrat devenant propriété du bailleur en fin de bail.
En application des dispositions contractuelles sont édifiées plusieurs constructions dont une partie est détruite par incendie sans reconstruction immédiate.
Le terrain avec le bail à construction ayant été exproprié et le juge de l’expropriation ayant débouté le bailleur de sa demande d’indemnité pour perte de la propriété des constructions devant lui revenir en fin de bail, celui-ci assigne le preneur devant le juge de droit commun en réparation du préjudice subi du fait du défaut de reconstruction des bâtiments détruits par incendie.
S’en suit un contentieux à l’occasion duquel la Cour d’appel retient que le contrat ne comprenait aucune clause particulière en cas d’expropriation et que dans un tel cas l’expropriation a pour effet de transférer directement la propriété des constructions de la société locataire à l’autorité expropriante de sorte que c’est le preneur, et lui seul, qui est créancier de l’indemnité correspondante, et que l’existence ou non de constructions ou l’état de celles-ci n’a d’incidence que sur l’indemnité allouée au locataire sans que le bailleur puisse prétendre à quoi que ce soit à ce titre.
La 3e chambre civile, au visa de l’article L. 13-13 du Code de l’expropriation, ensemble l’article L. 251-1 et L. 251-2 du Code de la construction et de l’habitation, casse et annule au motif :
« Qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnisation du preneur pour perte, pendant la durée contractuelle du bail, de la propriété des constructions édifiées par lui sur le terrain loué n’exclut pas celle du bailleur pour perte de la propriété de ses biens lui revenant en fin de bail, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La portée de l’arrêt de la 3e chambre civile rapporté va au-delà, semble-t-il, de l’incidence du défaut de reconstruction par le preneur des constructions sinistrées dont il avait pourtant perçu l’indemnité d’assurance correspondante.
Pour la Cour d’appel, l’existence ou non des constructions ou l’état de celles-ci n’avait d’incidence que sur l’indemnité allouée au locataire sans que le bailleur puisse prétendre à quoi que ce soit puisqu’il ne pouvait être reconnu créancier d’une indemnité du chef de construction dont il n’était pas propriétaire à la date de l’expropriation et dont, du fait de celle-ci, il ne serait jamais devenu propriétaire.
Cette interprétation est écartée par la Cour de cassation pour laquelle le bailleur doit être indemnisé pour la perte de la propriété des constructions devant lui revenir en fin de bail.