CASS. CIV. 3ème 31 Mai 2012

Les dispositions du Code de commerce relatives aux baux dérogatoires n’imposent pas l’exercice de la même activité dans les locaux concernés.

Note de M. Yves ROUQUET :

Le bail dérogatoire permet à des contractants éligibles au statut des baux commerciaux de placer, un temps, leurs relations en dehors de ce régime.

D’une durée de deux ans maximum, le bail dérogatoire va, si le locataire est laissé en possession à l’expiration de cette durée, donner naissance à un nouveau bail, statutaire.

Dans cette affaire, en 2004, les parties avaient signé un bail de courte durée de vingt-trois mois pour des locaux commerciaux à destination de « vidéo-club, location-vente » puis, vingt mois plus tard, avaient conclu, pour les mêmes locaux, mais pour un commerce de fleurs, cette fois, un nouveau contrat de vingt-trois mois.

Dès lors, se posait la question des droits du preneur sur les locaux.

Ce, d’ailleurs, indépendamment de la durée totale des deux contrats, puisque les faits remontent à une époque où la signature d’un bail dérogatoire, même de très courte durée, épuisait les effets de la dérogation.

Depuis, l’article L. 145-5 du Code de commerce a été modifié par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 : désormais, il est possible de conclure plusieurs baux dérogatoires dans la limite de deux ans.

Pour échapper à l’application du statut, le bailleur estimait que, dans la mesure où l’activité stipulée au second bail était nouvelle, celui-ci tombait sous le coup de la dérogation de l’article L. 145-5 pour toute sa durée.

L’analyse du preneur est désavouée, tant en appel que par le juge du droit : depuis la signature du second bail dérogatoire, les relations des parties sont soumises aux règles statutaires.

Prendre en considération le changement d’activité du commerçant pour justifier un nouveau droit à dérogation aurait incontestablement ajouté au texte, qui n’envisage que l’identité de parties et de locaux.

La seule manière, pour le bailleur, d’échapper à l’application du statut, aurait été de démontrer que, par la signature du deuxième contrat, le preneur a renoncé à son droit au statut.

Or, une telle démonstration était ici impossible, puisque la signature du second bail avait eu lieu avant l’échéance du premier.

Ainsi, à supposer que cette signature puisse s’interpréter comme une renonciation du locataire, elle ne pouvait être valable, car intervenue à une époque où son droit à revendiquer l’application des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce n’était pas acquis.

Source : Actualité Dalloz, 7 juin 2012