CASS. CIV. 3ème 30 Juin 2004

La division d’un immeuble en lots de copropriété n’est pas incompatible avec l’établissement de servitudes entre les parties privatives de deux lots appartenant à des copropriétaires distincts.

Note de M. Daniel SIZAIRE :

La fin du tabou ?

On peut y croire, tellement l’arrêt rapporté se démarque d’une jurisprudence bien affirmée selon laquelle la notion de servitude est incompatible avec la division d’un immeuble en lots de copropriété, faute d’un fonds servant et d’un fonds dominant, chaque lot comportant une quote-part de partis communes (Cass. 3e civ. 2 déc. 1980 – Cass. 3e civ. 11 janv. 1989) ; le principe de cette jurisprudence étant qu’une servitude n’existe que si le fonds servant et le fonds dominant constituent des propriétés indépendantes appartenant à des propriétaires différents et que tel n’est pas le cas d’un immeuble en copropriété (Cass. 3e civ., 30 juin 1992).

Ainsi, pour la jurisprudence la division d’un immeuble en copropriété était incompatible avec la création d’une servitude (Cass. 3e civ. 9 déc. 1998).

En l’espèce, il s’agissait d’un contentieux entre deux copropriétaires, l’un propriétaire d’un lot n° 2 à usage d’emplacement de garage et l’autre d’un lot n° 3 à usage d’emplacement de garage contigu lequel était affecté, selon les actes notariés, d’un droit de passage pour permettre l’accès à l’emplacement du lot n° 2 qui se trouvait enclavé.

A la suite d’incidents de voisinage avec le locataire de l’emplacement de garage n° 2, le propriétaire du lot n° 3 avait mis en cause le droit d’accès transmis au locataire du lot n° 2, en faisant valoir que le droit de passage était exclusivement personnel au profit du propriétaire du lot n° 2, une prétention écartée par la Cour d’appel retenant qu’il s’agissait d’une servitude réelle et non personnelle.

S’en est suivi un pourvoi du propriétaire du lot concerné par le passage qui faisait valoir qu’en statuant ainsi alors que la division d’un immeuble en lots de copropriété était incompatible avec l’existence d’une telle servitude, la Cour d’appel avait violé les articles 1er alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 et 637 du Code civil.

Après avoir relevé que la Cour d’appel ayant constaté qu’il résultait des actes notariés que le lot n° 3 était grevé d’un droit de passage au profit du lot n° 2 pour permettre au propriétaire de ce lot d’accéder à son emplacement de garage qui se trouvait enclavé ; que ce droit de passage s’exercerait par véhicule automobile sur le lot n° 3, à titre de servitude réelle et perpétuelle, et ce en tous temps, à toute heure par le propriétaire du lot n° 2 ainsi que par tous les propriétaires successifs, la Cour d’appel en a exactement déduit que le propriétaire du lot n° 3 n’était pas fondé à opposer l’absence de qualité de bénéficiaire du droit de passage du locataire, ce droit constituant une servitude réelle et non un droit personnel ; la 3e chambre civile écarte le moyen dans les termes suivants :

« Attendu que le titulaire d’un lot de copropriété disposant d’une propriété exclusive sur la partie privative de son lot et d’une propriété indivise sur la quote-part de parties communes attachée à ce lot, la division d’un immeuble en lots de copropriété n’est pas incompatible avec l’établissement de servitudes entre les parties privatives de deux lots, ces héritages appartenant à des propriétaires distincts ».

Source : Construction-Urbanisme, Sept. 2004, page 14