Le permis de construire prescrivant une cession gratuite de terrain peut concourir à la définition de l’immeuble vendu et la cession du terrain à la commune peut être ordonnée tant que le conseil municipal n’y a pas renoncé par délibération.
Note de M. Philippe BENOIT-CATTIN :
Un permis de construire, délivré en 1971, prescrivait une cession gratuite de terrain à laquelle il n’avait pas été donné suite, le maire ayant même fait savoir que la commune n’envisageait plus le projet d’élargissement qui en constituait la cause. Bien mal en a pris, de nombreuses années plus tard, aux bénéficiaires du permis de construire d’assigner la commune pour faire reconnaître leur droit de propriété sur cette fraction de terrain, curieusement inscrite au compte de la collectivité au cadastre, puisqu’ils essuyaient aussitôt une demande reconventionnelle en vue d’ordonner la cession gratuite du terrain à … ladite commune.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt qui ordonne cette cession gratuite, au motif « qu’il n’était produit aucune délibération du conseil municipal renonçant au bénéfice de cette cession [et] que l’obligation avait toujours le même objet nonobstant le différé de réalisation du projet en vue duquel elle avait été exigée ». Au-delà du caractère inutile de l’action des demandeurs pour faire reconnaître leur droit, en l’absence d’acte translatif de propriété au profit de la commune et en raison de la portée inefficace du cadastre face à un titre, c’est la question du délai pendant lequel la collectivité peut exiger le transfert qui est posée. Force est de relever que ce délai est incertain, le Conseil d’Etat ayant eu l’occasion de juger « qu’aucun texte précis n’imposait à l’Administration un délai pour réaliser le transfert de propriété consécutif à la cession gratuite à laquelle était subordonnée l’autorisation de lotir » (CE, 8 février 1989).
L’acte prescrivant la cession ne devenant pas caduc du fait de son inexécution, faute de texte en ce sens, le débiteur ne pourrait-il pas opposer devant le juge civil les dispositions de l’article 2227 du Code Civil, c’est à dire l’extinction de son obligation par le jeu de la prescription trentenaire ? La question est controversée en doctrine et la jurisprudence ne paraît s’être prononcée sur ce point.
L’arrêt du 30 janvier 2002 ne permet malheureusement pas de la trancher, même implicitement, dans la mesure où le délai de trente ans n’était pas, en l’espèce, écoulé. Mais l’affaire fournit l’occasion de rappeler que la doctrine administrative recommande, fort opportunément, aux collectivités de procéder au transfert de propriété ou d’informer le propriétaire de sa renonciation dans les meilleurs délais, afin de ne pas laisser planer sur le débiteur initial, puis sur son acquéreur, une incertitude, sinon une menace, par ailleurs incompatible aujourd’hui avec l’exigence de sécurité qui est reconnue au « consommateur immobilier ».