CASS. CIV. 3ème 30 Avril 2003

Assignée en restitution d’une superficie manquante par la propriétaire du fonds voisin, la propriétaire d’un fonds sollicita, par voie reconventionnelle, le rétablissement d’un droit de passage sur le terrain de la demanderesse en se fondant sur un acte de partage, lequel contenait une désignation du bien exactement semblable à celle d’une attestation immobilière s’agissant du droit de passage.

La Cour d’appel de Versailles accueillit la demande reconventionnelle. Son arrêt est à cet égard cassé par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 30 avril 2003, au visa de l’article 695 du Code civil.

Note de Mme Francine MACORIG-VENIER :

Une nouvelle fois la notion de titre récognitif de servitude est soumise à la Cour de cassation.

La question est d’importance dès lors que l’établissement de certaines servitudes, les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues, apparentes ou non, telles qu’une servitude de passage, invoquée en l’espèce, ne peuvent s’établir que par titre, selon l’article 691 du Code civil, ou, à défaut, exclusivement par un titre récognitif de la servitude (et non sur un aveu).

Selon l’article 695 du Code civil, compris au visa, « le titre constitutif de la servitude, à l’égard de celles qui ne peuvent s’acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fonds asservi« .

La définition de l’acte récognitif donné par le Vocabulaire juridique Capitant (sous dir. de G. Cornu), est celle d’un acte écrit appelé aussi titre nouvel, par lequel une personne reconnaît l’existence de droits déjà constatés par un titre antérieur, nommé acte primordial, soit afin d’interrompre une prescription, soit afin d’assurer la preuve de ces droits lorsque le titre primordial est perdu ou menacé de perte.

La jurisprudence exclut le recours à un aveu non écrit (Cass. 3e civ., 15 déc. 1993), aveu qu’elle admettait auparavant cependant, même s’il était seulement implicite (Cass. 3e civ., 8 janv. 1980).

Quant au titre récognitif de servitude, la jurisprudence se montre également exigeante, ou plus exactement plus respectueuse de la lettre de l’article 695 du Code civil. Ainsi avait-elle déjà refusé d’admettre qu’une lettre émanant du propriétaire du fonds servant se référant à l’existence d’un droit de passage devant être officialisé constituait un titre récognitif de servitude (Cass. 3e civ., 4 févr. 1998). Les Hauts magistrats précisent de manière solennelle que « le titre récognitif doit faire référence au titre constitutif de la servitude« .

Elle censure fort logiquement l’arrêt de la Cour de Versailles, pour avoir retenu en tant qu’acte récognitif l’acte de partage produit alors que cet acte contenait simplement une désignation du bien relative au droit de passage similaire à celle contenue dans une attestation immobilière ultérieurement établie et ne se référait nullement à un acte antérieur constitutif de servitude.

La Cour de cassation n’exige pas, contrairement à ce qu’impose l’article 1337 du Code civil, que la teneur de cet acte soit spécialement relatée dans l’acte récognitif (v. dans le même sens, Cass. civ., 29 janv. 1913, précisant que la force probante d’un acte récognitif d’une servitude n’est pas subordonnée aux conditions requises par l’article 1337 du Code civil).

Source : Droit et Patrimoine, n° 124 page 97