CASS. CIV. 3ème 3 Mars 2004

Le refus par un maître de l’ouvrage de réaliser des peintures est non exonératoire de la responsabilité des constructeurs.

Note de Mme PAGES de VARENNE :

En application de l’article 1792 alinéa 2 du Code civil, la responsabilité des constructeurs n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Cette cause étrangère s’envisage sous trois angles : le fait d’un tiers, la faute de la victime ou la force majeure. S’agissant de la faute de la victime, une jurisprudence a été développée concernant l’immixtion fautive du maître de l’ouvrage.

La notion d’immixtion fautive exigeant la preuve de la compétence notoire du maître de l’ouvrage, la jurisprudence a admis aux côtés de l’immixtion fautive la possibilité d’une exonération des constructeurs en cas d’acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage qu’il soit ou non notoirement compétent.

Si cette notion d’acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage est très souvent invoquée, elle n’est pas pour autant retenue comme le démontre cet arrêt du 3 mars 2004 de la Cour de cassation.

En l’espèce et à la suite de travaux de réalisation d’une installation de décantation mixte dans une cokerie, dont certains travaux avaient été sous-traités concernant la confection et la pose d’un bac de repompage, des fuites avaient été constatées postérieurement à la réception desdits travaux sur les soudures de ce bac de repompage.

L’entreprise et son sous-traitant s’étaient vu exonérés devant la Cour d’appel, au motif que le maître de l’ouvrage avait refusé la réalisation de peinture anti-corrosion qui lui avait été proposée en option pour le bac de repompage qui, en l’absence d’un traitement de relaxation thermique ou mécanique, aurait permis d’éliminer les contraintes de traction de l’assemblage soudé.

Sur le pourvoi formé par le maître de l’ouvrage à l’encontre de l’arrêt qui avait fait droit à la demande d’exonération des constructeurs, la Cour de cassation casse l’arrêt.

Le refus de réalisation des peintures anti-corrosion du maître de l’ouvrage ne suffit par conséquent pas à exonérer les constructions ; ces derniers doivent démontrer, pour être exonérés, que le maître de l’ouvrage a été clairement informé des risques inhérents et consécutifs à son refus.

La notion d’acceptation délibérée des risques passe par l’appréciation des mises en garde faites par les constructeurs au maître de l’ouvrage.

Source : Construction-Urbanisme, Avril 2004 page 13