La Cour de cassation vient de juger que des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle.
Par suite, le propriétaire d’un local commercial ne pouvait pas obtenir de dommages-intérêts de son ancien locataire pour manquement de ce dernier à son obligation de restituer les lieux en bon état des réparations locatives compte tenu des circonstances suivantes : d’une part, il avait reloué le local pour l’exercice d’un commerce différent de celui exercé par le locataire précédent, ce qui avait nécessité un réaménagement spécifique complet entièrement pris en charge par le nouveau locataire, et, d’autre part, le bail n’avait pas été conclu à des conditions plus défavorables que si l’état des lieux avait été différent.
Note :
Décision de principe qui constitue un revirement de jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation d’autant plus intéressant que le propriétaire avait fondé son argumentation sur la solution retenue récemment par cette même chambre aux termes de laquelle « l’indemnisation d’un bailleur en raison de l’inexécution par le locataire des réparations locatives prévues au bail n’est subordonnée, ni à l’exécution de ces réparations, ni à la justification d’un préjudice » (Cass. 3e civ. 30-1-2002), et qui avait donné lieu à un débat doctrinal portant sur les fondements même de la responsabilité civile contractuelle.
Contrairement à ce que laissait entendre l’arrêt de 2002, l’indemnisation du bailleur suppose donc une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux;
En d’autres termes, le bailleur doit avoir subi un préjudice effectif, lequel peut résulter notamment d’une relocation à un prix inférieur à celui qu’il aurait pu obtenir si les locaux avaient été restitués en bon état ou de l’exécution des travaux de remise en état, étant précisé que dans ce cas l’indemnisation du bailleur n’est pas subordonnée à la preuve de leur exécution, de simples devis suffisant (Cass. 3e civ. 3-4-2001).
Par ailleurs, la Cour rappelle le principe constamment réaffirmé selon lequel le préjudice est évalué au jour de la décision qui alloue les dommages-intérêts (Cass. Com. 21-4-1953 ; Cass. 1e civ. 6-10-1998), ce qui implique la prise en compte de tous les changements qui ont pu affecter la consistance du préjudice depuis son apparition, aggravation ou diminution.
Lorsque le préjudice a disparu au jour de la décision, les dommages-intérêts doivent être cantonnés à la durée réelle du préjudice subi.