Nullité d’un bail emphytéotique et fraude au droit de préemption.
Une société, propriétaire de terrains en bord de mer, avait consenti un bail emphytéotique de 99 ans sur les terrains.
Ces derniers étant compris dans une zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles, le conservatoire du littoral, bénéficiaire du droit de préemption, avait demandé l’annulation du bail pour fraude à son droit de préemption.
La Cour de cassation a fait droit à cette demande au motif que le bail litigieux n’était pas la simple manifestation de l’habilité juridique des parties mais caractérisait la fraude aux droits du conservatoire, pour échapper durablement à son droit de préemption tout en assurant au bailleur et au preneur une rentabilité des terrains concernés.
En effet, la société propriétaire des terrains, informée de l’intention du conservatoire d’acquérir les terrains et de sa recherche d’un accord sur le prix de cession, avait conclu deux ans après un bail emphytéotique pour le prix de 2.500.000 francs outre une redevance annuelle de 60.000 francs.
Par ailleurs, le preneur avait répondu à un huissier de justice, après la conclusion du bail, que celui-ci « ne se justifiait que pour faire obstacle au droit de préemption« .
La conclusion d’un bail emphytéotique de la durée maximale de 99 ans avait donc pour objectif délibéré de permettre à la société d’échapper, de fait, à « l’expropriation » désormais privée d’intérêt pour le conservatoire en raison des droits du preneur, et à ce dernier, même en l’absence de pacte de préférence, d’être titulaire d’un droit réel susceptible d’hypothèque et de cession.
Compte tenu de la superficie et de la situation du terrain litigieux, le preneur avait acquis la possibilité de rentabiliser une opération d’intérêt privé à visée spéculative en se plaçant délibérément hors du champ d’application de la loi d’intérêt général puisqu’il était énoncé dans le bail que « l’immeuble donné à bail est destiné à la construction d’immeubles à usage d’habitation ou à la construction et à l’exploitation d’immeubles et d’équipements à usage touristique ou de bureaux à l’exclusion de toutes autres destinations« .