CASS. CIV. 3ème 28 Mai 2003

Le preneur ne peut entreprendre une nouvelle activité avant l’issue de la procédure de déspécialisation.

Note de M. Jean-Pierre BLATTER :

Dans une galerie marchande, la société M. exploitait un fonds de commerce de croissanterie. Après avoir tenté une première extension de son activité critiquée par le bailleur, elle a sollicité sur le fondement de l’article 34 du décret du 30 septembre 1953 alors applicable, l’extension de son activité à celle, connexe ou complémentaire, de vente de crêpes.

Compte tenu de l’opposition du bailleur elle saisit le Tribunal de Grande Instance d’une demande d’autorisation de déspécialisation partielle. Mais, sans attendre le résultat de cette action, elle entreprit la vente de pizzas.

Un commandement visant la clause de résiliation de plein droit insérée au bail demeura sans effet et l’acquisition de la clause résolutoire fut constatée. Plusieurs moyens furent développés par le preneur à l’appui du pourvoi.

Il soutenait tout d’abord, que la clause résolutoire ne pouvait jouer que pour l’exécution d’une obligation inscrite au contrat, que l’interdiction d’adjoindre toute autre activité était nulle, comme contraire à l’ordre public, qu’en conséquence, cette clause ne pouvait entraîner l’application de la clause résolutoire. Le moyen ne pouvait prospérer, puisque la clause d’interdiction n’était affectée d’aucune nullité. En effet, elle était parfaitement valable en tant que disposition contractuelle.

En revanche, le dispositif légal de la déspécialisation partielle ou plénière, qui est quant à lui d’ordre public, entraîne l’inefficacité de cette clause si les conditions de la déspécialisation sont réunies et mises en œuvre.

Il a été reproché au juge de n’avoir pas recherché si les fautes du locataire justifiaient la résiliation du bail. C’était méconnaître qu’il s’agissait d’une action tendant à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, ôtant tout pouvoir d’appréciation au juge et non d’une action en résiliation judiciaire, qui au contraire aurait impliqué le pouvoir nécessaire du juge d’apprécier si la faute commise était suffisamment grave pour entraîner la résiliation du contrat.

A ces deux moyens la Cour suprême répondit que la Cour d’Appel avait également justifié sa décision en relevant que la société locataire avait étendu son activité sans attendre l’issue de la procédure de déspécialisation. Il est certain que le locataire qui sollicite l’autorisation de déspécialiser (complètement ou partiellement) n’est pas autorisé, de ce seul fait, à entreprendre les nouvelles activités et ne peut le faire qu’à l’expiration du délai accordé au bailleur pour répondre à la demande ou qu’après la décision du juge l’y autorisant. A défaut, il s’expose à la résiliation du bail.

Source : AJDI, Octobre 2003 page 664