Doit être censurée la Cour d’appel qui, pour rejeter la demande des locataires en réparation de leur trouble de jouissance et de leur perte financière, retient que ceux-ci ne versent aux débats aucun document comptable ou fiscal de nature à fonder cette demande, alors qu’elle avait relevé que l’impossibilité d’exploiter le fonds de commerce était due à la dégradation avancée des lieux provenant essentiellement de la vétusté, et que les preneurs avaient mis le bailleur en demeure d’effectuer les travaux nécessaires à la poursuite de leur exploitation.
Note de M. Christophe DENIZOT :
Le bailleur est redevable d’un certain nombre d’obligations prévues par le droit commun du bail : aux termes de l’article 1719 du Code civil, il doit délivrer la chose louée, l’entretenir et faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
En l’espèce, le preneur avait été troublé dans sa jouissance puisqu’il ne pouvait plus exercer son activité dans le local loué. Mais pour engager la responsabilité du bailleur, et obtenir la réparation intégrale de son préjudice, il était nécessaire de prouver que le trouble en question lui était imputable.
Or, le preneur ne pouvait plus exploiter son commerce en raison d’un avis défavorable rendu par la Commission Communale de Sécurité. Dans cette hypothèse la jurisprudence considère que « la jouissance d’un preneur, si elle est rendue impossible par le fait du prince, ce fait n’étant pas la conséquence d’une faute commise par le bailleur, ne saurait donner lieu à dommages-intérêts de la part de ce bailleur » (Cass. soc. 20 mai 1954).
Cependant, dans la présente affaire, le bailleur avait bien commis une faute. Si la commission avait donné un avis défavorable, c’était en raison de l’état de vétusté de l’immeuble.
Des travaux étaient donc nécessaires pour que le preneur puisse exercer son activité. A qui incombaient-ils ?
La jurisprudence met depuis longtemps à la charge du bailleur les travaux de mise en conformité imposés par les commissions d’hygiène et de sécurité (Cass. 3e civ. 7janvier 1998). Elle se fonde le plus souvent sur l’article 1719, 2°, du Code civil aux termes duquel il doit entretenir la « chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée« .
En l’espèce, le bailleur ayant refusé d’exécuter les travaux lui incombant, privant ainsi les preneurs du droit d’exploiter leur commerce dans le local loué, sa responsabilité était encourue.
Il en aurait été différemment si, d’une part, il avait démontré qu’il « n’avait pas à supporter la charge des travaux imposés par l’administration en raison de l’utilisation que le locataire a faite des locaux et des installations » (Cass. 3e civ. 28 mai 2003) ou si, d’autre part, une clause d’allégement des obligations avait été stipulée dans le bail commercial.