CASS. CIV. 3ème 26 Mai 2004

Lorsque deux voisins ont convenu de déroger aux règles de recul des constructions applicables en vertu du Plan d’Occupation des Sols (POS) à la date à laquelle ce dernier était applicable, l’annulation ultérieure du POS ne peut porter atteinte au respect des prévisions initiales des contractants, de sorte que le voisin constructeur ne peut obtenir l’annulation de la convention pour erreur.

Note de M. Patrice CORNILLE :

Cet important arrêt rendu le 26 mai 2004 par la Cour de cassation est difficile à interpréter, mais illustre un contentieux croissant en raison des liens de plus en plus souvent noués entre la planification urbaine et les conventions de droit privé.

Dans notre affaire, un des voisins avait obtenu un permis de construire à une distance inférieure à celle imposée par le POS, parce que son voisin l’avait autorisé ; on peut même concevoir que le constructeur avait payé ce privilège de réduction de prospect à son voisin.

La question était de savoir ce qu’il advient de cet accord si le POS, qui en a constitué à la fois le motif et le fondement, est annulé.

Rappelons que, de manière très classique, l’existence d’un vice du consentement s’apprécie lors de la conclusion de la convention ; la Cour de cassation considère que le constructeur ne peut pas avoir été victime d’une erreur puisque, lors de la signature de l’accord, le POS était en vigueur.

Il n’y avait donc, selon la Cour, « aucune atteinte aux prévisions des parties« .

Si le POS est annulé, il est clair que l’accord se trouve rétroactivement privé de fondement.

L’obtention du permis de construire est alors assujettie, soit au respect de la distance prévue par le POS antérieur (C. urb. art. L. 121-8), soit aux dispositions du Règlement National d’Urbanisme, et spécialement à l’article R. 111-19 (prospect qui ne peut être inférieur à 3 m).

Cette atteinte est encore plus évidente si les parties ont conclu une convention de cour commune, puisque, en raison de l’annulation du POS, le voisin qui a consenti à une servitude de recul, en contrepartie du privilège de prospect qu’il consent à son voisin, peut obtenir un permis de construire moyennant un recul plus réduit que celui qu’il s’est conventionnellement imposé.

On notera cependant que, bien que dans un tel cas le permis soit légal s’il respecte la règle d’urbanisme nouvelle, le voisin est néanmoins judiciairement tenu par la servitude de recul, sous peine de démolition (C. civ. art. 701 et 1143).

Source : Construction-Urbanisme, Sept. 2004, page 18