CASS. CIV. 3ème 25 Février 2004

Viole l’art. 22 de la loi du 6 juill. 1989 et l’art. 1024 c. civ. la Cour d’appel qui, pour dire le légataire à titre particulier du propriétaire tenu de restituer au locataire le montant du dépôt de garantie et que, le propriétaire ayant légué à titre particulier l’usufruit de l’immeuble au légataire, celui-ci a toutes les qualités d’un bailleur et, en conséquence, les obligations s’y rapportant, alors que la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant cause particulier.

Un état des lieux, établi contradictoirement, constate une situation de fait jusqu’à preuve du contraire.

Note :

Cet arrêt de cassation retient l’attention, d’une part, en ce qu’il exonère le légataire du bailleur à titre particulier de l’obligation de restituer le dépôt de garantie au locataire sortant et, d’autre part, en ce qu’il confirme la jurisprudence selon laquelle un état des lieux ne fait foi que jusqu’à preuve contraire.

Succession et restitution du dépôt de garantie. – Rendue, sur ce moyen, au double visa de l’art. 22 de la loi du 6 juillet 1989 (selon lequel le bailleur doit restituer le dépôt de garantie au locataire dans les deux mois de la remise des clés) et de l’art. 1024 du Code civil (disposant que le légataire à titre particulier n’est pas tenu des dettes de la succession), cette décision affirme que la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant cause particulier. En conséquence, la décision de la Cour d’appel (CA Versailles, 29 mars 2002) ayant condamné le légataire à titre particulier de l’usufruit d’un pavillon loué à restituer le dépôt de garantie au locataire sortant est censurée.

Si, comme l’indiquait le moyen du pourvoi, l’usufruit a pleine qualité pour donner à bail et percevoir les loyers, cette solution est tout à fait justifiée par lettre de l’art. 1024. Elle doit être rapprochée de la jurisprudence rendue en matière de vente du bien loué. En pareil cas, la Haute juridiction estime en effet que la clause de l’acte de vente d’un immeuble loué à un tiers, relative à la transmission à l’acquéreur du dépôt de garantie perçu par le bailleur, n’est pas opposable au preneur, non partie à l’acte de vente (Cass. 3e civ. 18 janv. 1993).

On retiendra par ailleurs a contrario de cet arrêt que le locataire pourrait, le cas échéant, diriger, avec succès, une action en remboursement contre le légataire universel ou à titre universel du bailleur, l’art. 1012 c. civ. précisant que « le légataire à titre universel sera tenu, comme le légataire universel, des dettes et charges de la succession du testateur (…) ».

Force probante d’un état des lieux contradictoire. – L’arrêt d’appel est également censuré en ce qu’il a refusé de prendre en compte un élément venant contredire l’état des lieux de sortie établi contradictoirement par les deux parties et selon lequel le preneur s’était acquitté de son obligation d’élaguer des arbres. Cette cassation est motivée par le fait que l’état des lieux dressé contradictoirement ne fait que constater une situation de fait jusqu’à preuve contraire (Cass. 3e civ., 23 mai 2002), laquelle peut être établie par tous moyens (CA Paris, 3 mars 1999).

On mentionnera par ailleurs que la Haute juridiction a récemment admis la validité d’un état des lieux contradictoire dressé en un seul exemplaire, au motif, là encore, que ce document se borne à constater une situation de fait et qu’ainsi, il n’est pas soumis à l’exigence de l’art. 1315 c. civ., en vertu duquel les actes sous seing privé contenant des conventions synallagmatiques ne sont valables qu’autant qu’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct (Cass. 3e civ., 23 mai 2002).

Source : Dalloz, 18 Mars 2004 page 731