L’achèvement des travaux, tout comme l’absence de malfaçons, ne constituent pas des conditions de la réception tacite de l’ouvrage.
Note de Mme Elsa Krieger :
En l’espèce, un maître d’ouvrage entreprend, avec l’assistance d’un maître d’œuvre et d’un constructeur, des travaux de rénovation de plusieurs maisons d’habitation.
Exposé à des difficultés financières et placé en liquidation judiciaire, le constructeur résilie les marchés passés avec le maître d’ouvrage qui assigne ce dernier, le maître d’œuvre, ainsi que leurs assureurs, après expertise, en indemnisation eu égard aux nombreuses malfaçons de l’ouvrage.
Suite à la résiliation des marchés par le constructeur, le maître d’ouvrage fait procéder à un constat de l’état des travaux résiliés, par huissier.
Se fondant sur sa volonté non équivoque de réceptionner l’ouvrage, avec réserves, et sur le fait que la résiliation du marché vaut solde de tout compte entre les parties, le maître d’ouvrage soutient que les travaux ont été tacitement réceptionnés et que les assureurs doivent leur garantie décennale.
La Cour d’appel refuse de suivre cette position et considère que le maître d’ouvrage ayant dénoncé de nombreuses malfaçons affectant l’ouvrage, sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage n’est pas caractérisée de sorte que l’ouvrage n’a pas été réceptionné par ce dernier et qu’en conséquence, la garantie décennale des assureurs ne peut être mobilisée.
La Cour de cassation censure cette position et considère que l’ouvrage est tacitement réceptionné, au sens de l’article 1792-6 du Code civil, lorsque le maître d’ouvrage manifeste sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, même si celui-ci présente de nombreuses malfaçons, et lorsque le marché est réglé.
La Cour rappelle ainsi les deux critères souvent déterminants en cas de réception tacite : la prise de possession des lieux et le règlement du solde du marché, attestant de la volonté non équivoque du maître d’ouvrage d’accepter les travaux.