CASS. CIV. 3ème 23 Octobre 2013

Construction : garantie décennale pour un désordre futur ?

Deux voisins étaient convenus de surélever un mur mitoyen.

Le prix étant supérieur à l’accord, un des propriétaires avait assigné l’autre ainsi que le maçon et son assureur.

L’arrêt qui avait condamné le maçon et son assureur à garantir une partie du prix au propriétaire est cassé :

« Vu l’article 1792 du Code civil ;

Attendu que pour condamner in solidium M. S. [maçon] et la compagnie d’assurances à garantir à M. V. de la moitié du coût des travaux de remise en conformité du mur, l’arrêt retient que le risque d’effondrement s’analyse en un risque de perte de l’ouvrage, conséquence d’un défaut de conformité aux règles de l’art qui porte sur sa fondation et qu’une telle atteinte à la solidité de l’ouvrage, révélée après réception, relève de la garantie légale des constructeurs ;

Qu’en statuant ainsi, tout en relevant qu’il ne pouvait être précisé que la perte de l’ouvrage interviendrait dans le délai décennal, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs […], casse« .

Note :

La Cour d’appel avait donc constaté un risque d’effondrement du mur litigieux et en avait déduit qu’il relevait de la garantie décennale « même s’il ne peut être précisé que la perte de l’ouvrage interviendra dans le délai décennal« .

Or l’auteur du pourvoi faisait observer que le mur ne comportait pas de fissuration, la responsabilité du constructeur ne pouvait être mise en cause au titre de la garantie décennale puisqu’il n’était pas acquis que le mur comporterait un désordre dans le délai de dix ans.

La jurisprudence admet que le dommage puisse être futur, mais il doit être certain.

Ainsi une Cour d’appel a pu débouter un propriétaire de logement se plaignant d’infiltrations d’une demande en paiement du coût des travaux, car l’expert n’avait émis que des hypothèses, et qu’à la suite de l’intervention de l’entreprise il n’existait plus aucun désordre (Civ. 3e, 20 fév. 1991).

Ainsi un désordre dont il n’est pas certain qu’il se réalise dans le délai de dix ans n’est pas couvert par la garantie.

Source : Jurishebdo n° 537, page 2