Dans quelle mesure un commandement d’avoir à quitter les lieux, délivré par le propriétaire d’un immeuble, lui permet-il d’interrompre la prescription acquisitive entamée par un possesseur du bien ?
La Cour de cassation s’attaque à cette question à travers deux arrêts, rendus sous l’empire des textes antérieurs à la réforme générale de la prescription opérée en 2008, énonçant que les citations en justice, les commandements ou saisies signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir (C. civ., art. 2244 anc.).
Si la Haute juridiction refuse de valider l’effet interruptif ici allégué, cette censure est prononcée au regard du fondement des commandements litigieux, et non directement par un principe général d’inapplicabilité de cette cause d’interruption à la prescription acquisitive.
Les deux affaires impliquaient un même propriétaire.
Celui-ci était parvenu à faire reconnaître et prévaloir judiciairement son droit de propriété vis-à-vis d’un tiers, dont le titre avait été corrélativement annulé.
Il s’était ensuite heurté aux sous-acquéreurs de ce dernier, occupants des immeubles.
Il leur avait enjoints de quitter les lieux par des commandements se réclamant des décisions de justice rendues à son profit.
Quelques années s’étaient écoulées avant qu’il ne les assigne en expulsion.
Les occupants se sont alors prévalus d’une possession utile, suffisamment prolongée, pour leur reconnaître une acquisition des biens par prescription.
C’est à cette revendication que le propriétaire tentait de parer en invoquant l’effet interruptif, apparemment intervenu in extremis, des commandements précédemment signifiés.
Dans la première décision, elle relève que le commandement ne pouvait pas interrompre la prescription déjà entamée, dès lors qu’il reposait sur des décisions auxquelles le possesseur n’était pas partie et qui lui étaient inopposables.
Dans la seconde, elle souligne de façon plus générale qu’un commandement n’est interruptif de prescription que s’il est fondé sur un titre exécutoire.
La Haute juridiction reproche donc aux juges d’avoir admis cet effet, sans constater que le commandement procédait bien d’un titre exécutoire obtenu par le réclamant contre le possesseur.