CASS. CIV. 3ème, 20 Février 2002

La limite au droit de jouir du panorama s’offrant à la vue à partir de son bien.

Note de M. François-Guy TREBULLE :

Désireuse d’obtenir la démolition d’immeubles construits en contrebas de son chalet, une habitante de la commune de Guillestre prétendait que le droit de jouir du panorama s’offrant à la vue à partir de son bien constitue une modalité du droit de jouissance du propriétaire et qu’en refusant d’ordonner la destruction de constructions non conformes aux prescriptions d’urbanisme la Cour d’appel de Grenoble aurait violé l’article 544 du code civil.

Une telle prétention pouvait s’appuyer sur deux éléments assez forts.
D’une part, la prise en compte du préjudice de caractère environnemental.
D’autre part, l’impérialisme réaffirmé du droit de propriété en matière d’empiètement.

Pour autant, aucun de ces éléments n’était de nature, en l’espèce, à justifier la démolition de l’immeuble construit en violation des règles d’urbanisme. Pour ce qui est de la référence à la propriété, la position probablement excessive de la Cour de cassation en matière d’empiètement ne saurait être invoquée en matière de non respect de règles de hauteur. A cet égard, il doit être rappelé que le propriétaire, sous la réserve – importante – des règles spéciales applicables, est libre d’édifier aussi haut qu’il le souhaite une construction sur son terrain.

La jouissance d’un panorama ne saurait, contrairement à ce que prétendait le pourvoi, être assimilée purement et simplement au droit de jouissance du propriétaire. La prise en compte du préjudice esthétique ne doit pas conduire à interdire à des propriétaires de modifier une situation existante. Cependant, dans l’espèce rapportée, la construction n’était pas régulière dans la mesure où les dispositions du permis de construire n’avaient pas été respectées. Certes, le dépassement de hauteur n’était que de 47 à 30 centimètres par rapport aux 12 mètres autorisés, mais ce non-respect aurait pu justifier la réception de la demande présentée.

Pour autant, ainsi que le rappelle fort justement la troisième chambre civile, encore fallait-il que la demanderesse établisse l’existence d’un préjudice. La demanderesse n’établissait pas le préjudice résultant pour elle, non pas de la construction d’un immeuble, mais bien des 47 et 30 centimètres de dépassement.

La Cour de cassation relève avec perspicacité que malgré ses dénégations, la voisine importunée « se plaignait en fait des constructions elles-mêmes et non du léger dépassement » qui ne causait aucun dommage. La solution retenue est particulièrement pertinente.

En présence d’un préjudice minime ou inexistant, il est souhaitable que la réparation y soit proportionnée.

Source : R.D.I. 2002 n° 6, page 522