Un bail commercial avait été renouvelé ; le preneur voulait obtenir la résiliation du bail en raison des troubles de voisinage causés par un colocataire. Alors que la Cour d’appel avait refusé de faire droit à cette demande au motif que les troubles n’avaient « aucun lien avec l’occupation« , l’arrêt est cassé :
« Mais attendu qu’ayant relevé que Mme R. (bailleresse) avait condamné par la pose d’un cadenas l’accès à des bâtiments à usage d’abattoir et de buanderie faisant partie des biens donnés à bail aux époux B. et qu’un grillage était en cours d’implantation, mais que ces bâtiments étaient inoccupés par les locataires et abritaient des oiseaux qui en avaient dégradé l’intérieur, la Cour d’appel, abstraction faite de motifs surabondants, a pu en déduire que les époux B., qui n’utilisaient pas ces locaux, n’avaient subi aucun préjudice ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l’article 1719 du Code civil, ensemble l’article 1725 du même Code ;
Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail ;
Attendu que, pour débouter les époux B. de leur demande tendant à voir imputer à Mme R. la responsabilité de la résiliation du bail du fait des troubles anormaux de voisinage causés par un colocataire, l’arrêt retient que, si le bailleur est responsable des divers ennuis, troubles et abus qui peuvent se produire entre locataires habitant un même immeuble, lorsque ces agissements excèdent les inconvénients normaux de voisinage, ce principe de garantie ne s’applique pas lorsque les actes reprochés aux colocataires ne se rattachent en rien à la jouissance commune normale de l’immeuble, mais résultent de rapports de mauvais voisinage et que les époux B. ne sont, dès lors, pas fondés à invoquer à l’encontre de Mme R. les troubles de voisinage, causés par un colocataire, qui ne lui sont pas imputables ;
Qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés.
L’article 1719 du Code civil, impose au bailleur une garantie de jouissance paisible des lieux loués. Si le bailleur n’est pas tenu des troubles de fait que peuvent causer des tiers (art. 1725), les colocataires ne sont pas considérés comme des tiers au sens de cet article.
Le bailleur doit donc garantie des troubles causés par les colocataires (Cass. Civ. 3e, 16 nov. 1994). Cet arrêt du 2 avril 2005 le confirme.
La décision est rendue à propos d’un bail commercial, mais pourrait trouver à s’appliquer aux baux en général, car se sont les articles du Code civil qui sont visés par la Cour de cassation.