La possibilité d’agir en garantie décennale contre le constructeur-vendeur d’un immeuble achevé, ne fait pas obstacle à ce qu’une action en résolution de la vente soit engagée par l’acquéreur.
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme Spinetta du 4 janvier 1978, celui qui vend après achèvement un immeuble qu’il a construit ou fait construire est réputé constructeur et, en cette qualité, doit répondre, vis-à-vis de son acquéreur, des dommages relevant des garanties décennale et de bon fonctionnement (C. civ., art. 1792-1, 2°).
Par cette mesure qui soumet le vendeur après achèvement à la même obligation de garantie que le vendeur d’immeuble à construire, le législateur a voulu harmoniser les recours en indemnisation pour les désordres relevant des garanties des constructeurs.
Mais il n’a pu éviter certaines incertitudes, notamment sur le point de savoir si dans le cadre d’une vente d’immeuble achevé, l’application des garanties légales laissait encore la place aux règles de droit commun de la vente.
Sur cette question, la Cour de cassation apporte un élément de réponse intéressant lorsque le vendeur est un « castor » qui a bâti lui-même sa maison.
En l’espèce, un couple construit un pavillon qu’il vend ensuite, passant sous silence la mauvaise qualité de la construction.
Lors de l’entrée dans les lieux, les acquéreurs découvrent que, contrairement aux énonciations du contrat, l’immeuble n’est pas en parpaings mais en ossature bois et que cette structure, non conforme aux règles de l’art, est à l’origine de désordres auxquels il ne peut être remédié que par une reprise totale de la construction pour un montant dépassant son coût d’origine.
Invoquant ces défauts de conformité, ils engagent une action en résolution de la vente, avec demande subsidiaire en réparation sur le fondement de l’article 1792 du Code civil et obtiennent en appel l’annulation de l’acte.
Les vendeurs formant alors un pourvoi en cassation, faisant valoir que les dommages dont se plaignent les acquéreurs relèvent d’une garantie légale et ne peuvent donner lieu à une action sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Il s’agit ainsi de faire appliquer le principe jurisprudentiel affirmé en matière de responsabilité des constructeurs selon lequel, même s’ils ont pour origine une non-conformité aux stipulations du contrat, les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass. 3e civ. 13 avr. 1988).
Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que la possibilité de mettre en œuvre les garanties légales des articles 1792 et s. du Code civil ne fait pas obstacle à l’application des règles relatives à la résolution de la vente, lorsque le constructeur de l’immeuble achevé est également le vendeur.
Cette décision ouvre ainsi une issue aux difficultés réelles que soulève l’application du régime de la garantie des constructeurs à la personne qui vend la maison qu’elle a elle-même bâtie.
Par hypothèse, il n’existe aucune réception des travaux, ce qui entretient la plus grande incertitude sur le point de départ des garanties.
En outre, le particulier est rarement assuré en responsabilité décennale, ce qui complique encore l’indemnisation de l’acquéreur, en cas de désordres graves.
Le recours aux règles de droit commun pour obtenir la résolution du contrat évitera ainsi à l’acquéreur de se trouver entièrement démuni lorsque les dommages résultent de non-conformité.