CASS. CIV. 3ème 2 Juillet 2003

A la destruction totale des locaux au sens de l’article 1722 du Code Civil, il convient d’assimiler l’impossibilité absolue et définitive d’user des lieux conformément à leur destination ou la nécessité d’effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur. Le bailleur qui a été informé de la présence d’amiante dans les lieux avant la signature du bail et qui connaissait les risques encourus à plus ou moins long terme, et s’est abstenu d’en informer le locataire, doit à celui-ci sa garantie pour le trouble subi.

Note de M. Yves ROUQUET :

Un bailleur qui loue un local en ayant connaissance de la présence d’amiante dans les lieux peut-il exciper de l’article 1722 du Code Civil pour résilier le contrat suite à la nécessité de réaliser des travaux de traitement des parties contenant de l’amiante ?

Dans cette affaire, bien qu’ayant eu connaissance (par le syndic de la copropriété) de la présence d’amiante un mois avant de conclure le bail, le bailleur avait signé le contrat sans avertir le preneur des risques encourus.

Par la suite, conformément aux dispositions du décret n° 96-97 du 7 Février 1996 (récemment codifié aux articles R. 1334-14 et suivants du Code de la Santé Publique), le bailleur s’est vu dans l’obligation de réaliser des travaux de traitement des parties du local présentant des risques. Il a alors notifié à son cocontractant la résiliation de son bail de plein droit et sans indemnité, ainsi que l’article 1722 du Code Civil le permet en cas de destruction totale de la chose louée par cas fortuit.

Dès lors, se posait la question de la réunion des deux critères de cet article : l’existence de la destruction totale de la chose louée et le caractère fortuit de cette destruction. La jurisprudence ne va admettre la perte totale que dans la mesure où l’une des deux conditions suivantes sera remplie : le montant des travaux de réfection serait supérieur à la valeur vénale de l’immeuble (Cass. Com. 13 Octobre 1965) et/ou l’impossibilité d’utiliser la chose louée est absolue et définitive. Or en l’espèce, d’une part, le coût des travaux était bien en deçà de la valeur du local et, d’autre part, ceux-ci ne devaient rendre les lieux inutilisables que durant douze ou dix-huit mois.

La notion de cas fortuit, qui exonère le bailleur de tout dédommagement du preneur, s’accommode difficilement avec la circonstance que ledit bailleur avait eu connaissance de la présence d’amiante avant de conclure le bail. Cela est d’autant moins acceptable lorsque, comme en l’espèce, le bailleur est un professionnel de la construction.

Dès lors, la Cour de cassation ne pouvait que rejeter le pourvoi contre l’arrêt d’appel ayant décidé que le bail n’était pas résilié de plein droit et ayant octroyé des dommages et intérêts au preneur, puisqu’il ressort de l’article 1721 du Code Civil que le bailleur doit garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage.

Source : AJDI, Octobre 2003 page 661