CASS. CIV. 3ème 1er Juin 2005

Un bailleur avait prévu dans un bail commercial une clause imposant au locataire de souffrir, sans indemnité, tous les travaux dans les lieux loués ou dans l’immeuble dont ils dépendent.

La Cour de cassation limite fortement l’application de cette stipulation :

« Vu l’article 1719 du Code civil, ensemble l’article 1134 du même code ;

Attendu que bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 17 décembre 2004), que la commune de Brioude, par acte du 15 juin 1995 contenant une clause selon laquelle « le preneur devrait souffrir sans aucune indemnité quelles qu’en soient l’importance et la durée tous les travaux qui pourraient devenir utiles ou nécessaires dans les lieux loués ou dans l’immeuble dont ils dépendent« , a donné à bail aux consorts P. un local à usage de bar ; que ces derniers, par acte du 18 novembre 1996, ont confié la gérance de leur fonds de commerce à Mme A. ; que le maire de la commune ayant, par deux arrêtés interdit l’activité du bar du 1er décembre 1997 au 30 avril 1999 en raison de la réalisation de travaux dans l’immeuble, les preneurs ont été condamnés à indemniser Mme A. du préjudice subi du fait de l’impossibilité d’exercer son activité pendant cette période ; que les consorts P. ont formé une demande d’indemnisation à l’encontre de la commune ;

Attendu que, pour les débouter de leur demande, l’arrêt retient que la commune tire de son bail le droit de faire faire des travaux et que la faute de celle-ci n’est pas caractérisée ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le bailleur ne peut, par le biais d’une clause relative à l’exécution de travaux, s’affranchir de son obligation de délivrer les lieux loués, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Note :

Cette décision du 1er juin 2005, qui sera publié dans le bulletin des arrêts de la Cour de cassation, illustre les limites d’une clause d’exonération de garantie du bailleur.

Il semble qu’il faille conclure de cette décision que la généralité d’une telle clause fait obstacle à l’obligation de délivrance et qu’elle ne serait valable que si elle était plus limitée.

L’article 1724 du Code civil oblige le preneur à souffrir les travaux pour les réparations urgentes. Au-delà de 40 jours de travaux, il a droit à indemnité. Cette disposition n’est pas d’ordre public et peut donc être écartée par les parties.

La clause ne peut pas être d’une telle généralité qu’elle aboutisse à dispenser le bailleur de son obligation de délivrance, qui est un élément essentiel du contrat de bail.

Source : Juris-Hebdo, 14 Juin 2005, page 3