CASS. CIV. 3ème 1er Décembre 2004

Est régulière et n’ouvre pas droit à rétrocession au profit de l’ancien propriétaire ou de l’acquéreur évincé, la substitution d’affectation d’un immeuble acquis par voie de préemption qui demeure dans les objets pour lesquels ce droit peut être légalement exercé.

Note de M. Philippe BENOIT-CATTIN :

Il n’existe que très peu de jurisprudence rendue par la Cour de cassation au visa de l’article L. 213-12 du Code de l’urbanisme.

Celui-ci enferme très étroitement l’action ouverte à l’ancien propriétaire ou à l’acquéreur évincé en cas de manquement, par la personne qui a acquis l’immeuble par voie de préemption, à son obligation de l’affecter à des objets limitativement énumérés par l’article L. 213-11.

Il ne peut s’agir que d’une action en dommages et intérêts, à l’exclusion de toute action tendant à la rétrocession ou la cession forcée de l’immeuble, et qui est enfermée dans un délai ramené à cinq ans, depuis la loi du 13 décembre 2000, à compter de la mention de l’affectation ou de l’aliénation au registre des préemptions.

Les anciens propriétaires reprochaient à la commune d’avoir utilisé l’immeuble préempté pour un objet différent de celui mentionné dans la décision de préemption.

La question était de savoir si, et dans quelle mesure, la collectivité est liée par la finalité qui a motivé l’exercice de son droit de préemption.

L’article L. 213-11 dispose que les biens acquis par exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés aux fins définies à l’article L. 210-1, c’est-à-dire en vue de la réalisation d’actions ou d’opérations répondant aux objets d’aménagement définis à l’article L. 300-1 ou de la constitution de réserves foncières poursuivant le même objet.

De la rédaction de ces articles la Cour de cassation conclut :

« Attendu qu’ayant relevé à bon droit que la substitution d’une affectation du bien préemptif à une autre n’est pas irrégulière dès lors qu’elle est de la nature de celles auxquelles fait référence l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme qui renvoie à l’article L. 300-1 du même code, la Cour d’appel a pu retenir que l’affectation des biens préemptés par la commune substituée à celle visée à la décision de préemption était conforme aux objectifs définis à cet article, dès lors qu’il s’agissait de la mise en œuvre de la politique prévue au programme local de l’habitat ».

Le Conseil d’Etat l’avait également admis en jugeant que la vente à un organisme d’Habitations à Loyer Modéré (HLM) en vue de construire des logements sociaux, de l’immeuble que la commune avait initialement préempté en vue de l’élargissement d’une voie départementale, à charge pour l’organisme HLM de céder au département l’assiette nécessaire à l’élargissement, ne méconnaissait pas les dispositions de l’article L. 213-11 du Code de l’urbanisme (CE 14 janv. 1998).

Source : Construction-Urbanisme, Janvier 2005, page 20