CASS. CIV. 3ème 19 Novembre 2015

Travaux de désamiantage et obligation de jouissance paisible.

Un bailleur avait entrepris des travaux de remplacement de toiture comportant de l’amiante.

La société locataire n’avait pas payé les loyers pendant deux mois (avril et mai 2008) en invoquant le fait qu’elle avait été contrainte d’évacuer son personnel jusqu’à la levée des réserves, en raison d’un risque de propagation d’amiante, identifié par l’inspection du travail.

La Cour d’appel n’avait pas admis la validité de ce refus de payer (exception d’inexécution), mais sa décision est cassée :

« Vu l’article 1719 du Code civil,

Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement de la chose louée le preneur pendant la durée du bail […],

Attendu que, pour écarter l’exception de non-exécution opposée par la locataire, l’arrêt retient que les prélèvements d’air, effectués le jour même de la visite du contrôleur du travail, se sont révélés négatifs, qu’il ne ressort d’aucune des deux lettres précitées qu’il ait été signifié à l’employeur, dans les formes appropriées, des mesures contraignant telles que l’évacuation des locaux ou l’arrêt temporaire d’activité, que la société C., professionnel qualifié pour le traitement d’amiante, a adressé dès le 15 avril 2008 une réponse motivée au contrôleur du travail qui ne s’est plus manifesté par la suite et que la société N., qui a fait le choix d’évacuer sans délais les locaux ,donnés à bail alors qu’elle n’y était pas contrainte par une décision administrative, ne démontre pas la faute du bailleur ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que, le 11 avril 2008, l’inspecteur du travail, connaissance prise des résultats négatifs de prélèvements, soulignait l’impossibilité d’affirmer que la poursuite des travaux dans les conditions constatées ne présentait aucun risque pour les salariés, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs ; casse« .

Note :

En l’espèce, cet arrêt est intéressant en ce qu’il autorise le locataire à faire usage de l’exception d’inexécution, c’est-à-dire de se prévaloir de l’inexécution par le bailleur de son obligation (jouissance paisible) pour suspendre sa propre obligation (le paiement du loyer), ce qui est assez rare.

Source : Jurishebdo, n° 623, page 2