CASS. CIV. 3ème 19 Novembre 2003

Déduit exactement que, bien que qualifiées de conventions d’occupation précaire, des conventions constituent des baux dérogatoires de l’art. L. 145-5 du Code de Commerce, une Cour d’appel ayant relevé, à bon droit, que la convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties, et ayant constaté l’absence de mention, dans ces conventions, de l’existence de circonstances exceptionnelles marquant leur terme ;

A pu déduire qu’il s’est opéré à compter du 1er avril 1996 un bail soumis au statut des baux commerciaux, la même Cour ayant constaté que la première convention avait été conclue pour la période du 1er mai 1984 au 30 mars 1986, qu’à cette dernière date, le locataire était resté dans les lieux et que la société bailleresse l’avait laissé en possession, et ayant relevé qu’à aucun moment, postérieurement au 30 mars 1986, le locataire n’avait renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux, la seule conclusion du deuxième bail dérogatoire le 6 mai 1991 ne valant pas renonciation.

Note de M. Yves ROUQUET :

Dans l’enceinte d’un cinéma, la société locataire avait conclu, avec une vendeuse de boissons et de confiseries, trois « conventions d’occupation précaire » successives, d’une durée inférieure ou égale à vingt-trois mois. Nonobstant la qualification retenue par les parties, à réception du congé (adressé par lettre recommandée), censé sonner le glas de la dernière convention, la vendeuse a assigné sa cocontractante afin de se voir reconnaître le bénéfice de la propriété commerciale. Elle a eu gain de cause, tant devant la Cour d’appel de Paris que devant la Haute juridiction.

Une convention d’occupation précaire – qui échappe à l’application des règles du Code Civil, comme à celles des articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce – se caractérise, non par sa courte durée, mais par la reconnaissance d’une circonstance exceptionnelle, la précarité affectant l’occupation ou la modicité de la redevance. Au titre des circonstances exceptionnelles, on relèvera : l’expropriation prochaine des locaux, leur démolition programmée, la réalisation de travaux à venir ou encore, le caractère démontable des constructions que l’occupant de l’emplacement est autorisé à édifier.

Or, en l’occurrence, aucune circonstance exceptionnelle n’avait été consignée dans les contrats. Ainsi, à défaut d’un terme dicté aux cocontractants par des éléments indépendants de leur volonté, et compte tenu du fait que les contrats avaient été conclus pour une durée de vingt-trois mois ou d’un an, la Cour de Paris ne pouvait que requalifier les contrats en baux dérogatoires de l’article L. 145-5 du Code de Commerce.

Et, dès lors qu’à l’expiration du contrat initial d’une durée inférieure ou égale de deux ans, le preneur est laissé en possession ou dès lors que les parties concluent un nouveau bail pour le même local, le statut des baux commerciaux leur est applicable (Cass. 3e civ., 8 oct. 1986).

Or, dans cette affaire, non seulement la vendeuse de boissons et de confiseries a été laissée en possession à l’expiration du premier contrat, mais, au surplus, à l’issue de cette période de maintien dans les lieux, une nouvelle convention a été signée, puis une autre.

Par ailleurs, confirmant une jurisprudence constante, la Cour de cassation, avec la Cour de Paris, refuse de voir dans la signature de la seconde convention, un acte de renonciation à la protection statutaire, n’admettant la renonciation que lorsque le second bail fait expressément mention de la volonté du preneur de renoncer en toute connaissance de cause et de manière non équivoque au bénéfice du statut (Cass. 3e civ. , 2 avr. 2003).

Ainsi, faute d’avoir délivré un congé valable (c’est-à-dire, notamment, aux termes de l’art. L. 145-9, adressé par acte extrajudiciaire), la Cour décide que le bail commercial, tacitement reconduit, devait continuer à produire ses effets.

Bien que le contentieux n’ait pas été porté sur ce terrain, il est intéressant de souligner que la vendeuse de friandises ne semble pas remplir les conditions requises pour bénéficier des articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce.

En effet, même si l’on admet que la commerçante dispose d’une « autonomie de gestion« , ne sommes-nous pas en présence d’une hypothèse d’un « établissement inclus ne disposant pas de clientèle propre » ? De fait, sauf erreur, sa clientèle est constituée, à titre exclusif, des spectateurs se rendant dans les salles de cinéma.

Or, cette constatation est suffisante pour écarter le jeu de la protection statutaire, ainsi les établissements commerciaux situés dans l’enceinte d’autres établissements ne bénéficient du statut que s’ils ont une clientèle propre (Cass. Ass. Plén. , 24 avr. 1970).

Source : Dalloz – Cahier Droit des Affaires – 18 Décembre 2003 page 3051