CASS. CIV. 3ème 17 Novembre 2004

En s’abstenant de rechercher si la convention passée par son client ne recouvrait pas en réalité un Contrat de Construction de Maisons Individuelles (CCMI) imposant le respect des dispositions protectrices édictées par le Code de la construction et de l’habitation, le prêteur a commis une faute ouvrant droit à réparation.

Note de M. Daniel SIZAIRE :

Lorsqu’il s’agit du contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture du plan, aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L. 231-2 du Code de la construction et de l’habitation qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis (CCH, art. L. 231-10).

Le contrôle prévu par la loi est essentiellement formel et jusqu’ici c’est en ce sens que s’est orientée la jurisprudence en écartant un contrôle qui mettrait à la charge du prêteur de vérifier la qualification du contrat de construction pour lequel un financement lui est demandé (Cass. com., 9 juill. 2002).

En l’occurrence, les époux A. obtiennent un prêt du Crédit Mutuel pour la construction d’une maison d’habitation qui n’est pas menée à bien.

Alléguant que les sommes versées par eux étaient supérieures à celles dont ils étaient débiteurs compte tenu de l’avancement du chantier, ils assignent le prêteur au motif qu’il était responsable des versements excédentaires, supérieurs à ceux résultant de l’application du barème établi par l’article R. 231-7 du Code de la construction et de l’habitation. Le Crédit Mutuel faisait grief à la Cour d’appel d’avoir accueilli cette demande ; la troisième chambre civile rejette le pourvoi aux motifs :

« Que l’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, qui ne met pas à la charge du prêteur l’obligation de requalifier le contrat qui lui est soumis, ne le dispense pas de son obligation de renseignement et de conseil à l’égard du maître de l’ouvrage à qui il fait une offre de prêt ;

Qu’ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés, que si le prêteur de deniers ne peut s’immiscer dans la convention entre le constructeur et le maître de l’ouvrage, le banquier n’en a pas moins, à titre de renseignement et de conseil, l’obligation de déterminer avec son client, dépourvu de connaissances juridiques, le cadre contractuel du projet qu’il accepte de financer, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche sur l’existence d’un plan que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire qu’en s’abstenant de rechercher si la convention passée par les époux A et M. J ne recouvrait pas en réalité un contrat de construction de maison individuelle imposant le respect des dispositions protectrices édictées par le Code de la construction et de l’habitation, le Crédit Mutuel a commis une faute ouvrant droit à réparation ».

Si le prêteur n’est pas tenu, en application de l’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, de requalifier le contrat qui lui est communiqué en un contrat de construction d’une maison individuelle, cela ne le dispense pas d’une « obligation de renseignement et de conseil » donné au maître de l’ouvrage, dont le non respect engage sa responsabilité civile.

Source : Construction-Urbanisme, Janvier 2005, page 10