Fermeture d’un centre commercial et obligations du preneur
Note de M. Yves ROUQUET :
Alors que le transfert d’un centre commercial était envisagé (une enquête publique était en cours), le bailleur d’un commerçant exerçant son activité de fleuriste dans un local situé dans la galerie marchande donnait son accord sur le principe du renouvellement du bail, mais les discussions devaient achopper sur les conditions de report du bail dans le nouveau centre commercial (spécialement, étaient en cause, le prix du nouveau contrat et le maintien ou non d’une clause d’exclusivité).
Une procédure s’est donc engagée et, au moment de la fermeture du centre, un pourvoi était pendant suite à un arrêt d’appel fixant le prix du nouveau bail.
Dans ces conditions, le preneur a poursuivi la résiliation de la convention aux torts du bailleur et l’octroi d’une indemnisation, en raison de l’éviction pure et simple de la jouissance du local dont il était victime.
La Cour d’appel de Rennes ne l’a cependant pas suivi.
A en croire le moyen du pourvoi, cette juridiction a en effet remarqué que l’éviction de pur fait, qui découle de l’incapacité des parties à trouver un accord sur les modalités financières et juridiques du report du bail, n’est pas susceptible d’être sanctionnée en vertu des principes posés par le statut des baux commerciaux.
Et la Cour de Rennes de rappeler la jurisprudence de la Haute juridiction, rendue au visa de l’article 1719 du Code civil, selon laquelle, en l’absence de stipulation particulière, le bailleur – propriétaire d’une galerie marchande – est seulement tenu d’assurer la délivrance, l’entretien et la jouissance paisible de la chose louée, et non de garantir la pérennité de son environnement commercial (Cass. 3e civ., 12 juill. 2000, dans le même sens, voir aussi Cass. 3e civ., 19 déc. 2000 ; Cass. 3e civ., 13 juin 2001 ; Cass. 3e civ., 24 sept. 2002).
En définitive, le juge rennais a estimé que la société locataire a choisi – en toute connaissance de cause – de se maintenir dans les lieux avec une clientèle réduite jusqu’à l’issue de la procédure plutôt que de poursuivre des négociations sérieuses et qu’elle ne pouvait pas abandonner les locaux sans endosser la responsabilité de la résiliation.
Cette solution est censurée par la Haute juridiction qui, après avoir visé les articles 1728, 1°, et 1184 du Code civil, constate que, tout en ayant organisé le transfert de son commerce, la locataire a maintenu son activité dans les lieux loués jusqu’à l’extrême limite (trois jours avant la fermeture du centre commercial).
Ainsi, ne pouvait-on lui reprocher d’avoir failli à son obligation de garnissement des lieux et de les avoir abandonnés.
Loin de se contredire, l’arrêt du 12 juillet 2000 et la présente décision apparaissent complémentaires.
En effet, alors que le premier affirmait que le propriétaire d’une galerie marchande est un bailleur comme les autres, les Hauts magistrats relèvent ici, qu’à son tour, le locataire d’un local dépendant d’une galerie marchande est un locataire comme les autres, auquel il ne peut être reproché d’avoir entendu faire valoir ses droits en usant de la voie judiciaire.