Le respect des normes n’est pas exclusif de l’impropriété à la destination.
Note de M. Philippe MALINVAUD :
Les dispositions de l’article L. 111-11 du Code de la Construction et de l’Habitation suivant lesquelles les travaux de nature à satisfaire aux exigences minimales requises en matière d’isolation phonique relèvent de la garantie de parfait achèvement, ne sont pas exclusives de l’application de la garantie décennale.
Il s’ensuit, qu’à défaut de respect de ces exigences minimales, le maître de l’ouvrage peut mettre en œuvre, à son choix, la garantie de parfait achèvement ou la garantie décennale, si bien évidemment les conditions de cette dernière sont réunies (Cass. 3e civ., 20 févr. 1991).
Se posait la question de savoir si le respect des normes réglementaires ne faisait pas obstacle à ce que le juge retienne l’impropriété à la destination.
Le juge, auquel s’impose le respect des textes réglementaires, peut-il s’en affranchir et décider que les exigences minimales requises en matière d’isolation phoniques (art. L. 111-11 du Code de la Construction et de l’Habitation) sont insuffisantes ?
C’est ce que suppose nécessairement cet arrêt du 16 septembre 2003 qui casse la décision des premiers juges au motif qu’ils auraient dû « rechercher si, nonobstant la conformité aux normes réglementaires applicables, les désordres d’isolation phonique relatifs à la diffusion des bruits aériens ne rendaient pas l’immeuble impropre à sa destination« .
La Cour suprême ne se prononce en ce sens que de manière indirecte, en se fondant sur l’article 1792 du Code Civil et sur le libre pouvoir du juge d’apprécier l’impropriété à la destination d’un ouvrage.
A priori, la solution peut paraître étonnante.
Mais elle est à mettre en parallèle avec les causes d’exonération de la présomption de l’article 1792.
En effet, la présomption ne tombe que « si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère« .
Or, la Cour de cassation décide que le respect des règles de l’art, ou des règles édictées par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), les Documents Techniques Unifiées (DTU) ou autres organismes professionnels ne constitue par une cause étrangère exonératoire (Cass. 3e civ., 22 oct. 1980).
Dans le droit fil de cette jurisprudence, la responsabilité des constructeurs peut être recherchée sur le fondement de l’article 1792, même lorsque les normes réglementaires ont été respectées puisque le respect de ces normes n’est pas une cause d’exonération.