Application de la garantie décennale au non-professionnel qui rend un ouvrage qu’il a fait construire, peu important qu’il n’ait pas été totalement achevé.
Note de M. Philippe MALINVAUD :
En l’espèce, on sait qu’il s’agissait de la vente d’une maison individuelle, que le vendeur était également le constructeur (mais probablement pas un professionnel), qu’il y avait un récépissé de déclaration d’achèvement de travaux du 2 mars 2006 et que la vente avait été faite aux époux Z par acte authentique du 8 juillet 2008.
Et l’acte comportait une clause suivant laquelle « l’acquéreur prendra le bien en l’état où il se trouvera le jour de l’entrée en jouissance sans aucune autre garantie de la part du vendeur que celles dues par celui-ci en vertu des articles 1792 et suivants du Code civil pour celles de ces garanties susceptibles d’être encore mises en jeu, pour raison notamment de l’état des constructions et de leurs vices cachés« .
Ayant constaté de multiples désordres dont l’expert déclarait qu’ils rendaient l’ouvrage impropre à sa destination et que leur réparation s’élevait à un montant de 51.770 euros, les époux Z ont recherché la responsabilité de leur vendeur sur le fondement des articles 1792 et 1792-1 et ils ont obtenu satisfaction devant la Cour d’appel.
Fort habilement, le vendeur constructeur avait soutenu devant le juge d’appel, et soutenait à nouveau dans son pourvoi, que les désordres relevés par l’expert étaient si graves et multiples qu’ils rendaient la maison impropre à sa destination, ce dont il résultait qu’en fait la maison n’était pas achevée.
En bref, il était soutenu que la vente n’était pas une vente après achèvement mais une vente en l’état, en cours de construction, en tout cas avant achèvement.
Dès lors, faute d’achèvement, sa responsabilité ne pouvait pas être recherchée sur le fondement de l’article 1792-1.
Même si cela n’était pas dit, elle ne pouvait pas non plus être recherchée sur le fondement de la garantie des vices cachés puisque la clause d’exonération excluait un tel recours : il n’aurait pu en être autrement qu’en présence d’un vendeur professionnel, ce qui n’était probablement pas le cas, ou d’un vendeur ayant connaissance des vices, donc de mauvaise foi.
Mais peut-on sérieusement soutenir qu’il y a inachèvement au motif que l’ouvrage est impropre à sa destination ?
Si on l’admettait, cela aboutirait à paralyser presque totalement l’application de l’article 1792-1, 2° ; cette disposition ne pourrait plus être invoquée que dans le cas où les désordres porteraient atteinte à la solidité de l’ouvrage.
Ce serait aller directement à l’encontre de la loi.