En cas de non réalisation des travaux prévus au contrat, le maître de l’ouvrage peut effectuer lui-même ou faire effectuer des travaux nécessaires en dispensant le garant de son obligation de rechercher un constructeur pour terminer le chantier.
Note de M. Daniel SIZAIRE :
Après que l’entreprise ait abandonné le chantier et ait été mise en liquidation de biens, les maîtres de l’ouvrage avaient pris l’initiative de la terminaison des travaux et c’est le garant qui fait grief d’avoir été condamné par la Cour d’appel à payer le coût des travaux ainsi exécutés sur l’initiative des maîtres de l’ouvrage.
Au pourvoi, le garant faisant valoir :
– qu’aux termes des dispositions d’ordre public de l’article L. 231-6 paragraphe II et III du Code de la construction et de l’habitation (CCH), il incombe au seul garant de livraison, en cas de défaillance du constructeur, de désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux ;
– qu’il n’est permis à une partie de renoncer qu’aux effets acquis des règles de protection établies dans son intérêt exclusif, ce qui n’est pas le cas des dispositions du III de l’article L. 231-6 édictées tant dans l’intérêt du garant que du maître d’ouvrage.
La troisième chambre civile rejette le pourvoi au motif :
« Attendu, d’une part, que la Cour d’appel a retenu à bon droit que l’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation ayant pour objet de protéger le maître de l’ouvrage ne créait aucune obligation à sa charge, et qu’il lui était possible d’effectuer lui-même ou de faire effectuer les travaux en dispensant le garant de son obligation de rechercher un constructeur pour terminer le chantier, les dispositions de l’article susvisé étant établies dans l’intérêt exclusif du maître de l’ouvrage, qui, dans ce cas, ne perd pas ses droits à obtenir du garant le financement des travaux, sauf preuve par ce dernier de l’aggravation de ses propres charges du fait de l’initiative du propriétaire du bien ».
Dire que les dispositions de l’article L. 231-6 du CCH sont établies dans l’intérêt exclusif du maître de l’ouvrage revient à écarter les dispositions du III de l’article L. 231-6 qui, après avoir fait obligation au garant de désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux, dispose :
« Toutefois, et à condition que l’immeuble ait atteint le stade du hors d’eau, le garant peut proposer au maître de l’ouvrage de conclure lui-même des marchés de travaux avec des entreprises qui se chargeront de l’achèvement ».
Achever les travaux n’est prévu à l’initiative du maître de l’ouvrage que pour autant que cela soit proposé par le garant du maître de l’ouvrage.
L’arrêt va encore plus loin que la possibilité pour le maître de l’ouvrage de conclure lui-même des marchés de travaux avec les entreprises lorsqu’il dit qu’il est possible au maître de l’ouvrage – et cela unilatéralement – « d’effectuer lui-même (…) les travaux« .
En cas d’exécution des travaux par le maître de l’ouvrage, le garant devra effectuer les versements correspondants au maître de l’ouvrage, ce qui peut entraîner certaines discussions ; cela avait d’ailleurs été plus ou moins le cas en l’espèce.
Admettre comme le fait l’arrêt la possibilité pour le maître de l’ouvrage d’effectuer lui-même les travaux, c’est lui faire prendre la qualité de « vendeur-constructeur« , ce qui ne constitue probablement pas une protection.