Désordre esthétique : responsabilité décennale ou contractuelle ?
Deux fondements juridiques sont envisageables pour obtenir réparation de désordres esthétiques : la responsabilité décennale ou la responsabilité contractuelle de droit commun.
L’affaire portait sur le ravalement de façades de plusieurs immeubles d’une copropriété dans le cadre d’une rénovation. Après réception, des désordres esthétiques consistant en des traces de coulure apparaissent.
En matière de rénovation, la responsabilité décennale est applicable uniquement si l’entreprise réalise un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil. Le cas des travaux de ravalement est significatif. La rénovation d’une façade ayant une pure fonction esthétique ne constitue pas un ouvrage (Cass. 3e civ., 3 décembre 2002). A l’inverse, le ravalement peut être qualifié d’ouvrage lorsqu’il a une fonction d’imperméabilisation ou d’étanchéité (Cass. 3e civ., 4 avril 2013).
En l’espèce, les enduits réalisés avaient un rôle d’imperméabilisation des façades et pouvaient donc être qualifiés d’ouvrage. Néanmoins, la garantie décennale ne peut être mobilisée qu’en présence d’un désordre compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
En l’absence de définition légale, cette dernière notion est appréciée subjectivement par les tribunaux. Ainsi, la Cour de cassation a pu considérer qu’un désordre esthétique généralisé (fissures) pouvait relever de la garantie décennale, pour une façade constituant « l’un des éléments du patrimoine architectural de la commune de Biarritz » (Cass. 3e civ., 4 avril 2013) ou pour une villa de grand standing (Cass. 3e civ., 11 mars 2008).
Invoquant cette jurisprudence, la copropriété tenta de faire jouer la garantie décennale du constructeur. La Cour rejette cette demande, considérant que « les désordres esthétiques sont constitutifs d’une impropriété à destination lorsqu’ils affectent un immeuble de grand standing, et que rien ne venait démontrer que l’ensemble d’immeubles de la copropriété relevait du grand standing« .
A titre subsidiaire, la copropriété avait sollicité la condamnation solidaire du constructeur et du fabricant sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Elle obtient, cette fois, gain de cause. En effet, l’expertise judiciaire a conclu que les coulures avaient deux origines techniques :
– une inadaptation du produit par rapport au support ; le constructeur a donc manqué à son devoir de conseil à l’égard du maître d’ouvrage en ne l’alertant pas sur la nécessité de remédier à la présence de sel dans le support avant de procéder à la pose de l’enduit ;
– une perméabilité anormale du produit installé par rapport à ses caractéristiques attendues ; ainsi, le fabricant avait manqué à son obligation de renseignement en omettant d’attirer l’attention du constructeur sur la grande perméabilité de l’enduit.
Ces deux fautes ayant contribué à la réalisation du dommage subi par le syndicat des copropriétaires, le constructeur et le fabricant ont été condamnés à indemniser la victime à hauteur de 50 % chacun.