CASS. CIV. 3ème 14 Décembre 2005

L’extinction de la servitude de passage autorise le propriétaire du fonds servant à demander la suppression de tous les ouvrages installés en vertu de cette servitude par le propriétaire du fonds dominant, s’il n’existe pas de titre distinct autorisant la restriction apportée au droit de propriété.

Note de M. Stéphane BOYARD :

L’article 682 du Code civil prévoit que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante, a la possibilité de réclamer un passage sur les fonds de ses voisins.

L’assiette du chemin sur lequel s’exerce le droit de passage peut être utilisée par le propriétaire du fonds enclavé pour la pose des canalisations nécessaires à la satisfaction des besoins de la construction édifiée sur sa propriété (Cass. 3e civ. 14 décembre 1977).

En cas de disparition de l’état d’enclave, l’article 685-1 dispose que, quelle que soit la manière dont l’assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l’extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l’article 682.

A défaut d’accord amiable, cette disparition est constatée par décision de justice. En l’espèce, les magistrats de la Cour de cassation ont justement conforté ceux d’appel qui, constatant la disparition de l’état d’enclave entre deux fonds, avaient prononcé, en conséquence, l’extinction de la servitude.

Restait en suspens la question des conséquences de cette extinction : le propriétaire du fonds servant demandait la suppression des ouvrages implantés sur sa propriété (les conduites d’eau, les câbles téléphoniques et d’alimentation électrique et du compteur EDF).

Ce dernier a été débouté par la Cour d’appel au motif que ces installations ont été régulièrement installées quand la servitude était elle aussi régulièrement consentie et exercée. Les juges du fond n’ont autorisé que la suppression des ouvrages nécessaires à l’exercice du passage, en l’espèce, le portail d’accès.

La Cour de cassation ne l’entend pas ainsi et rend une décision de principe au visa des articles 545 et 685-1 du Code civil : « l’extinction de la servitude de passage autorise (le propriétaire du fonds servant) à demander la suppression, par voie de conséquence, de tous les ouvrages installés en vertu de cette servitude, et sans relever l’existence d’un titre distinct autorisant la restriction ainsi apportée au droit de propriété« .

Il ne s’agit plus désormais d’effacer des traces matérielles et visibles sur le fonds en démontant des installations qui permettaient l’exercice du passage vers le fonds dominant (portail, barrière, …). L’invisible doit donc aussi disparaître ! Câbles, canalisations vont devoir être déterrés et réinstallés ensuite, par des professionnels.

La remise en état du fonds servant après tous ces travaux est également à envisager. On imagine aisément le coût élevé de toutes ces opérations qui devront être réalisées aux frais du propriétaire du fonds dominant.

En outre, sont-elles techniquement toutes envisageables et dans le cas contraire faudra-t-il repasser devant le juge pour faire constater l’impossibilité d’exécution de la décision et maintenir la situation préexistante ?

Source : AJDI, 6/06, page 490