CASS. CIV. 3ème 13 Octobre 2004

La cession du droit au bail au propriétaire des murs est-elle dépourvue de cause ?

L’acquisition par le bailleur du droit au bail mis en vente par son locataire, laquelle permet au premier de recouvrer la jouissance matérielle des lieux loués, a une cause.

Note de M. Philippe-Hubert BRAULT :

En l’espèce, un investisseur donne son assentiment en vue de se porter acquéreur des murs d’un magasin pour un prix déterminé, ainsi que pour acquérir le droit au bail moyennant un prix également déterminé, et ce, dans des conditions exclusives de cession de tous matériel, marchandises, clientèle ou enseigne, l’activité commerciale ayant cessé plusieurs mois avant la radiation de l’entreprise au registre du commerce.

La Cour d’appel avait estimé que le bailleur était devenu propriétaire des murs de l’immeuble dans lequel était exploité le fonds faisant l’objet du bail, si bien que le vendeur ne pouvait céder le droit au bail au propriétaire des murs, la relation triangulaire, cédant cessionnaire bailleur, n’existant plus dès lors que le cessionnaire prétendu et le bailleur ne formaient qu’une seule et même personne : la cession du droit au bail serait dans une telle hypothèse un acte juridique par lequel le locataire transfère à un tiers son droit de jouissance des lieux, le cessionnaire devenant ainsi le débiteur des obligations envers le bailleur.

Une analyse identique avait été retenue par la Cour de Bourges (CA Bourges, 24 juin 1997), le cédant étant dès lors infondé en sa demande de paiement formée à l’encontre du bailleur.

En cassant l’arrêt qui lui est déféré, la Cour de cassation retient que l’acquisition par le bailleur du droit au bail mis en vente par son locataire a bien une cause, et ce sur le fondement de l’article 1131 du Code civil.

De nombreux baux comportent une clause de préemption qui permet au bailleur de se substituer à l’acquéreur pressenti en cas de vente du fonds de commerce, dont le droit au bail n’est que l’un des éléments.

Mais la loi a d’ores et déjà reconnu le caractère licite d’un tel transfert : ainsi en est-il de la faculté de rachat en cas de cession de bail par le preneur qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite selon l’article L 145-51 du Code de commerce ; à la suite de la notification prévue par ce texte, le bailleur dispose d’un délai de deux mois avec une priorité d’achat.

Ainsi, même en l’absence de tout droit de préférence prévu par le bail, rien n’interdit au propriétaire, en cas de cession du droit au bail, notamment dans le cadre des procédures collectives, de formuler une offre lui permettant ainsi de reprendre possession des lieux sans que, désormais, on ne puisse lui opposer l’irrecevabilité de sa démarche qui se différencie donc de la résiliation amiable du bail.

Source : Loyers et Copropriété, Février 2005, page 15