Ayant constaté que l’ouvrage avait été construit par le propriétaire du terrain lui-même et qu’il n’existait aucun contrat de louage d’ouvrage avec quiconque, la Cour d’appel en a exactement déduit que le demandeur n’était lié à la société qui lui avait fourni des plaques en polycarbonate que par un contrat de vente auquel s’appliquait la garantie des vices cachés, et qu’il devait être débouté de son action intentée sur le fondement de l’article 1792-4 du Code Civil.
Note de M. Laurent LEVENEUR :
Depuis la loi du 4 Janvier 1978, l’article 1792-4 du Code civil rend « le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance« , « solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d’ouvrage » qui a mis en œuvre sans modification cet ouvrage, cette partie d’ouvrage ou cet élément d’équipement.
La responsabilité, envisagée par ce texte, du fabricant de ces éléments est une responsabilité solidaire : elle suppose avant tout que les obligations prévues aux articles 1792, 1792-2, c’est-à-dire la garantie décennale (qui couvre les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou affectant l’un de ses éléments constitutifs ou d’équipement au point de rendre l’ouvrage impropre à sa destination) et 1792-3, c’est-à-dire la garantie biennale (qui vise le bon fonctionnement des autres éléments d’équipement), pèsent sur un « locateur d’ouvrage » ; lorsque tel est le cas, le fabricant d’un EPERS (Elément Pouvant Entraîner la Responsabilité Solidaire) supporte solidairement la garantie décennale ou biennale avec le « locateur d’ouvrage« , évidemment pour les dommages afférents à la composante qu’il a fournie (et à supporter encore que le locateur ait mis en œuvre cet élément « conformément aux règles édictées par le fabricant » : art. 1792-4, al. 1, in fine).
Mais en l’absence de « locateur d’ouvrage« , c’est-à-dire en l’absence d’une personne (avant tout, un entrepreneur) ayant conclu un contrat de louage d’ouvrage avec un maître de l’ouvrage en vue de construire cet ouvrage au profit de celui-ci, l’article 1792-4 ne peut pas s’appliquer.
Tel était le cas en l’espèce. Faute de locateur d’ouvrage tenu envers lui à garantie décennale ou biennale, le propriétaire ayant construit lui-même ses serres ne pouvait évidemment pas invoquer la responsabilité solidaire de son fournisseur (solidarité avec qui ?).
Toutefois, ceci ne signifie pas que le fournisseur n’est dès lors tenu d’aucune obligation. Si l’article 1792-4 ne joue pas, le droit de la vente est, lui, applicable, comme l’avait bien relevé la Cour d’appel : le vendeur doit donc, notamment, la garantie des vices cachés, à supposer du moins qu’un tel vice soit caractérisé et que l’acheteur agisse en garantie dans un bref délai.
La responsabilité solidaire de l’article 1792-4 n’est pas soumise au bref délai de l’article 1648, mais aux délais de dix ans ou deux ans pendant lesquels elle est susceptible de jouer courent à compter de la réception de l’ouvrage (C. civ., art. 2270 et 1792-6) ; le délai laissé à l’acheteur pour agir en garantie des vices cachés est peut-être « bref », mais il ne court, lui, que de la découverte du vice.