CASS. CIV. 3ème 12 Octobre 2005

Le respect des dispositions légales n’exclut pas l’existence éventuelle de trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Note de Mme Marie-Laure PAGES-de VARENNE :

La notion de trouble anormal de voisinage expose les maîtres d’ouvrage à des possibilités de recours de plus en plus nombreuses.

Le simple respect des règles d’urbanisme n’exclut pas un recours sur le fondement du trouble anormal de voisinage.

En l’espèce, des particuliers ont chargé une entreprise de la construction d’une maison d’habitation sur un terrain leur appartenant. Cette maison n’étant pas conforme au permis de construire, ces particuliers ont obtenu un permis de construire modificatif.

Le propriétaire voisin, soutenant que la construction ainsi réalisée lui causait un préjudice, a assigné l’entreprise en paiement de dommages-intérêts.

Le voisin n’ayant obtenu gain de cause aux termes de l’arrêt d’appel, soutenait à l’appui de son pourvoi que la surélévation de la construction édifiée entraînait une diminution de l’intimité des occupants de sa villa et soutenait, d’autre part, que le respect des prescriptions légales et réglementaires ne pouvait fonder le rejet de l’action fondée sur la théorie des troubles anormaux de voisinage.

Au visa du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, l’arrêt est cassé au motif qu' »en statuant ainsi, alors que le respect des dispositions légales n’exclut pas l’existence éventuelle de trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, la Cour d’appel a violé le principe susvisé« .

Cet arrêt n’est pas sans rappeler deux arrêts rendus par la troisième chambre civile.

Le premier (Cass. 3e civ., 26 janv. 1993) aux termes duquel une société, maître de l’ouvrage, a été condamnée à verser une indemnité du fait de la construction d’un immeuble de dix étages et d’une cheminée de 30 mètres de haut à près de cinquante mètres d’une maison d’habitation, en réparation du trouble anormal de voisinage résultant d’une perte de vue des voisins.

Le second (Cass. 3e civ., 14 janv. 2004) ayant condamné un maître de l’ouvrage pour la réalisation d’un immeuble nuisant à l’ensoleillement et multipliant les crues et aggravant des passages.

Il convient d’être particulièrement prudent et réservé sur les conséquences d’une telle jurisprudence, alors que la construction a été réalisée régulièrement.

L’extension des recours sur le fondement des troubles anormaux de voisinage devrait amener à plus de rigueur quant à l’interprétation de cette notion.

Source : Construction-Urbanisme, 12/05, page 18