Garantie décennale : des précisions sur le désordre apparent et l’atteinte à la destination.
Note de Mme Nathalie LEVRAY :
Dans un arrêt du 10 novembre 2016, la Cour de cassation précise que c’est au jour de l’achèvement des travaux et en la personne du maître d’ouvrage qui a fait construire, que s’apprécie le caractère apparent d’un désordre.
Elle demande aux juges du fond de rechercher si un désordre sur une ventilation mécanique contrôlée (VMC) peut porter atteinte à la destination de l’ouvrage.
En l’espèce, un particulier revend une maison après avoir réalisé des travaux d’extension et de réfection du toit.
Se plaignant d’infiltrations d’eau et de désordres sur une VMC, les acquéreurs, après expertise, assignent le vendeur en responsabilité décennale pour obtenir réparation de leurs préjudices.
Le Code civil rend automatiquement responsable le constructeur envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, lorsqu’un désordre affecte sa solidité ou si, affectant un de ses éléments d’équipement, il le rend impropre à sa destination (article 1792 du Code civil). Cette responsabilité ne peut cependant pas être engagée en cas de défaut apparent. Mais apparent pour qui ? Pour le maître d’ouvrage constructeur, répond la Cour de cassation qui censure l’arrêt d’appel.
La connaissance ou l’apparence des désordres décennaux au regard des acquéreurs, relevés par l’expert, ne peuvent donc pas constituer un motif pour exonérer le constructeur de sa responsabilité.
La Cour précise en outre que c’est au jour de la réception, qui correspond pour le maître d’ouvrage constructeur à l’achèvement des travaux, que s’apprécie le caractère apparent ou caché du désordre.
Dans une décision précédente (Cass. civ. 3e, 17 novembre 1993), la Cour de cassation avait déjà posé ce principe de l’appréciation exclusive du caractère apparent d’un désordre au regard du maître d’ouvrage. Elle avait exclu l’appréciation de l’apparence en la personne du maître d’œuvre, alors même que ce dernier avait été mandaté pour procéder à la réception.
Les parties sont en outre renvoyées devant le juge d’appel sur un autre point de leur litige : le dysfonctionnement d’une VMC.
Cet élément d’équipement ne fonctionnant pas, les acquéreurs demandaient à être dédommagés au titre de la garantie décennale.
La Cour de cassation reproche aux juges du fond d’avoir mal apprécié l’impropriété à destination (ils se bornaient à indiquer qu’aucun désordre d’humidité ou de moisissures, qui aurait pu rendre la VMC impropre à sa destination, n’avait été constaté par l’expert).
Elle leur rappelle qu’ils doivent rechercher si la défectuosité de l’élément d’équipement ne rend pas l’ouvrage, en son entier, impropre à sa destination.