Nature juridique et opposabilité du cahier des charges d’un groupe d’habitations.
Note de M. Patrice CORNILLE :
L’arrêt du 10 mars 2015 est l’occasion de rappeler l’énorme différence qu’il y a entre un cahier des charges dans un lotissement et un cahier des charges dans un groupe d’habitations dont la construction a été autorisée sur la base d’un permis de construire valant autorisation de division parcellaire (art. R. 421-7-1 devenu C. urb., art. R. 431-24).
Le cahier des charges n’est pas une pièce obligatoire du dossier, et ce dans aucune des deux procédures. Dans les deux cas, le cahier n’est rien d’autre, du moins à l’origine lorsqu’il est conçu, qu’un acte contractuel, une collection de servitudes de droit privé entre les lots.
S’agissant d’un acte dont découlent des restrictions au droit de disposer, il doit dans les deux cas être obligatoirement publié à ce qui est devenu le service de la publicité foncière afin d’être opposable aux tiers.
Il devient alors opposable à quiconque détient un immeuble en propriété ou en copropriété dans le périmètre sur lequel il s’applique. C’est d’ailleurs ce que confirme l’arrêt.
Par ailleurs, un permis de construire délivré au titre de l’article R. 421-7-1 ou, désormais, R. 431-24 du Code de l’urbanisme étant une procédure autonome, différente du lotissement et n’en constituant pas une variante procédurale, le cahier des charges d’un groupe d’habitation autorisé par un permis de ce type ne peut être modifié qu’à l’unanimité des propriétaires, à défaut des stipulations particulières qu’il peut le cas échéant contenir (Cass. 3e civ., 12 mai 2004).
Enfin, dans les deux cas, sa violation peut entraîner la sanction qu’il prévoit pouvant aller jusqu’à la démolition sur le fondement de l’article 1143 du Code civil sans qu’il soit besoin de prouver un préjudice.
Où se trouve dans ces conditions, et après ce rapide rappel, l’énorme différence annoncée ci-dessus ?
Dans le fait que le cahier des charges d’un groupe d’habitations n’est jamais approuvé par l’administration qui délivre le permis, et que ce type de document n’a jamais été approuvé administrativement même en pratique dans le passé, ce qui interdit de lui conférer une nature en partie et temporairement réglementaire comme pour les cahiers des charges d’avant 1977 pour les lotissements.
Le cahier des charges d’un groupe d’habitations a donc dans tous les cas une nature juridique exclusivement contractuelle. Il en est ainsi aussi bien dans le cas où le groupe d’habitations est placé sous le régime de la copropriété, ce qui était l’hypothèse en l’espèce ou sous le régime de parcelles divises.
Il est donc impossible de considérer qu’un cahier des charges d’un groupe d’habitations peut être menacé de caducité après dix ans, pour les règles d’urbanisme qu’il peut le cas échéant contenir ; de même, les articles L. 442-9, L. 442-10 et L. 442-11 du Code de l’urbanisme, textes qui amplifient la disparition programmée des cahiers des charges, ne concernent que ceux dans les lotissements, et non ceux qui régissent les groupes d’habitation.