1ère Espèce :
Suivant l’article 1792, tout constructeur est responsable, de plein droit, « envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage ». Bénéficient donc de la garantie décennale tous ceux qui achètent en état futur d’achèvement un appartement ou une maison à un promoteur.
Mais, corrélativement, ils ne peuvent pas se placer sur un autre terrain et, par exemple, répudier le bénéfice des articles 1792 et suivants pour rechercher la responsabilité délictuelle de l’un des constructeurs (Cass. 3è Civ., 3 janvier 1969). Telle est la solution que confirme le présent arrêt.
Dans cette affaire, les acquéreurs se plaignaient de l’exiguïté de la rampe d’accès aux garages, défaut qui, à la suite d’une réception sans réserve consentie par le promoteur vendeur, se trouvait malheureusement purgé à l’égard des constructeurs. Outre leur vendeur, ils avaient assigné le maître d’oeuvre qui était l’auteur du défaut de conception. Mais comment retenir sa responsabilité alors que la réception avait été faite sans réserve ?
La Cour de GRENOBLE l’avait fait sur une double motivation : que le Groupe Aude, en sa qualité de maître d’oeuvre…, ne peut utilement se prévaloir d’une réception des travaux sans réserve quant à la rampe, pour placer le litige sur le terrain de la garantie décennale des constructeurs et pour échapper à celle-ci, invoquer le caractère apparent du vice ; que chacun des copropriétaires, dont aucun n’a de lien contractuel avec le Groupe Aude, est en droit de rechercher la responsabilité de ce dernier sur ce terrain de la faute délictuelle ». C’est sur ce dernier point que l’arrêt est cassé, à juste titre, par le présent arrêt, au visa de l’article 1792.
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2ème Espèce :
Si la responsabilité spécifique des articles 1792 et suivants bénéficie au maître de l’ouvrage et à tous les acquéreurs successifs, elle est en revanche écartée pour les simples titulaires d’un droit de jouissance sur l’immeuble, qu’il s’agisse de locataires, d’associés d’une société d’attribution ou de locataires attributaires.
N’en bénéficie pas non plus le crédit-preneur, tout du moins tant qu’il n’a pas utilisé la faculté d’acquisition prévue à son contrat. La solution avait déjà été retenue par la Cour de Cassation (Cass. 3è civ., 11 mars 1992). Elle est ici reprise dans une hypothèse assez intéressante.
En effet, comme cela arrive souvent, le crédit-preneur s’était vu confier par le crédit-bailleur la qualité de maître d’ouvrage délégué pour faire réaliser l’hôtel qu’il devait exploiter. Peu avant l’expiration de la garantie décennale, des désordres étaient apparus ; le crédit-preneur avait assigné les constructeurs dans le délai, cependant que le crédit-bailleur n’était intervenu à la procédure que postérieurement à l’expiration du délai.
C’est dans ces circonstances que la Cour de Cassation approuve les juges du fond d’avoir « constaté que la société Basque et fils n’avait que la qualité de maître de l’ouvrage délégué pour la construction de l’immeuble qu’elle avait pris à crédit-bail pour l’exploitation du fonds de commerce » et d’avoir « exactement retenu que le preneur d’un contrat de crédit-bail ne pouvait agir sur le fondement de la garantie décennale pour demander la réparation des désordres de la construction, que les interventions des propriétaires après l’expiration du délai de la garantie décennale n’étaient plus recevables, et que la société Basque et fils, en sa qualité de locataire, pouvait demander réparation de son préjudice consécutif aux désordres ».
Note :
Ainsi, il se trouve confirmé qu’un crédit-preneur, aurait-il été maître d’ouvrage délégué, c’est à dire simple mandataire du maître de l’ouvrage, est exclu de la liste des bénéficiaires des articles 1792 et suivants.
N’ayant pas la qualité de maître de l’ouvrage ou d’acquéreur de l’ouvrage, il ne peut mettre en oeuvre la garantie décennale aux fins d’obtenir la réparation des désordres de construction, mais bien évidemment, en sa qualité de locataire, il peut s’adresser à son bailleur pour se faire indemniser du préjudice consécutif aux désordres. Il en irait différemment dans le cas où le crédit-preneur aurait fait réaliser des travaux sur l’immeuble loué en qualité de maître de l’ouvrage (CA VERSAILLES, 4è ch., 3 décembre 1993).
Crédits-preneurs et crédits-bailleurs devront en tirer cet enseignement qu’il convient d’être vigilant sur la qualité de chacun à agir.