CASS. CIV. 3è, 8 décembre 1999

Peut ordonner la rétrocession des parcelles préemptées, au propriétaire, sans excéder ses pouvoirs, la CA qui retient exactement qu’aux termes de l’article L.211-5 du Code de l’Urbanisme, en cas d’acquisition, le titulaire du droit de préemption devra régler le prix au plus tard six mois après la décision d’acquérir et qu’en l’absence de paiement à l’expiration du délai le bien est sur sa demande rétrocédé à l’ancien propriétaire.

Note de M. Patrice CORNILLE : Le notaire du propriétaire de diverses parcelles notifie une déclaration d’intention d’aliéner à la commune, laquelle préempte régulièrement et forme la vente à son profit, bien qu’aucun acte ne soit encore dressé, et que le prix ne soit pas encore payé et que l’immeuble demeure dans le patrimoine du propriétaire.

La commune joue ensuite les mauvais payeurs, comme assez souvent en pratique. D’abord, elle ne paie pas le prix au propriétaire dans les six mois de la préemption (C. Urb., art. L.211-5) ; ensuite elle consigne une partie du prix mais presque un an et demi après avoir formé la vente à son profit, c’est à dire bien trop tard pour éviter d’être réputée avoir renoncé à son droit de préemption (C. Urb., art. L.213-4-1). Sans en être autrement troublée, la commune assigne tout de même le propriétaire devant le tribunal de grande instance en réalisation forcée de la vente.

On perçoit mieux ici l’intérêt de la décision rapportée : lorsque la vente est formée après préemption, et que la commune ne paie pas le prix dans les six mois, peut-elle s’opposer à la demande de rétrocession de son immeuble par le propriétaire en persistant dans sa volonté de régulariser la vente à son profit ou bien, sans autre alternative, doit-elle être sanctionnée de son défaut de paiement par la rétrocession obligatoire de l’immeuble ?

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Il est à noter que la commune visait dans son pourvoi l’article L.211-5, et non l’article L.213-4 du Code de l’Urbanisme, alors que c’est ce dernier texte qui est habituellement invoqué en cas de défaut de paiement du prix ou de consignation. La commune évitait ainsi, d’une part, d’être jugée avoir renoncé à son droit de préemption en consignant trop tard (ce qui l’aurait empêché de prétendre que la vente s’était formée, et par suite de forcer le propriétaire à s’exécuter), d’autre part soulignait à son avantage que la rétrocession s’opère par acte sous seing privé lorsqu’aucun acte authentique n’a formalisé la vente issue de sa préemption (C. Urb., art. L. 211-5, al. 5). Or qui dit « acte » dit volonté, ce qui permettait à la commune d’avancer qu’on ne peut pas la forcer à rétrocéder lorsqu’elle désire, tout au contraire, obliger le propriétaire à lui transférer la propriété.

En approuvant les juges du fond d’avoir condamné la commune à rétrocéder l’immeuble, la Cour de cassation écarte manifestement cette argumentation, pourtant assez habile. Il en résulte, à notre avis, que la rétrocession pour défaut de paiement du prix dans les six mois est bien une sanction menaçant les collectivités publiques et non l’une des deux branches d’un choix qui leur permettrait de décider de devenir ou non propriétaires du bien préempté, après avoir fait « lanterner » l’administré.

Source : Construction-Urbanisme, mars 2000 page 19