CASS. CIV. 3è, 4 novembre 1999

Une vente de terrain avec conversion partielle du prix en une obligation pour l’acquéreur du terrain de remettre un immeuble à édifier à titre de dation en paiement, ne permet pas de dire que le contrat conclu entre les parties est une vente en l’état futur d’achèvement.

Note de M. Daniel SIZAIRE :

1 – Le propriétaire d’un terrain le vend pour un prix payable immédiatement pour une part en numéraire, le solde étant constitué par la remise d’un immeuble à édifier sur une parcelle du lotissement réalisé sur ledit terrain. La société réalisatrice de l’opération est placée en liquidation judiciaire alors que l’immeuble devant être remis au vendeur n’est pas achevé (l’immeuble s’entend ici d’une construction et de son terrain). Le vendeur demande la régularisation du transfert de propriété de l’immeuble édifié par la société en faisant valoir que l’on se trouvait en présence d’une vente en l’état futur d’achèvement qui avait emporté transfert immédiat de la propriété du sol et de celle des constructions au fur et à mesure de leur réalisation. Cette demande ayant été rejetée par la CA, au moyen de son pourvoi en cassation, le vendeur faisait valoir la violation de l’article L.261-10 CCH au motif que tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble à usage d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur de procéder à un paiement avant l’achèvement de la construction, constitue une vente d’immeuble à construire, qui doit prendre la forme soit d’une vente à terme, soit d’une vente en l’état futur d’achèvement. Le moyen est rejeté par la 3è chambre civile au motif :

« qu’une telle qualification ne résultait en rien des termes du contrat litigieux qui ne prévoyait aucun versement ou dépôt de fonds par les consorts M (veneur) avant l’achèvement de la construction » 

…/… 

2 – Au-delà des particularités de l’espèce, l’arrêt retiendra l’attention car on sait que l’opération de cession de terrain contre la remise de locaux pose la question de sa compatibilité avec le principe de l’article L.261-10 CCH qui, dans le cadre du secteur protégé, rend le dispositif de la vente d’immeuble à construire assorti des dispositions particulières des articles L.261-11 et suivants CCH applicables, à peine de nullité, à « tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction ». N’est-ce pas le cas lorsque, comme en l’espèce, le prix de vente d’un terrain est converti en l’obligation de construire des locaux sur une partie du terrain vendu et de les remettre à leur achèvement au vendeur du terrain ? En effet, la contrepartie desdits locaux est le transfert immédiat de la propriété du terrain de sorte que, économiquement, ces locaux sont bien payés avant leur achèvement.

La jurisprudence a écarté cette interprétation économique en s’en tenant, outre la spécificité de l’opération, à la lettre de l’article L.261-10 précité dès lors qu’il n’y a pas « versements ou dépôts de fonds » en contrepartie des locaux à construire (Cass. 3è civ., 11 avril 1973 – 19 février 1974 – 30 avril 1985).

Un intérêt de l’arrêt rapporté est de confirmer cette position en avalisant l’arrêt de la cour d’appel pour laquelle il s’agissait d’un contrat « sui generis ».

Source : Construction-Urbanisme, mars 2000 page 9